Les vers de Nelligan 13
La lectrice de Maria Spartali Stillman avait lu tant de livres déjà. Tant et tellement. Mais il y avait chez elle ce perpétuel étonnement, cette propension à l’abandon et au ravissement. Si bien qu’elle aussi a été conquise par Nelligan et qu’elle a choisi quelques vers pour nous.
MAINTS SOIRS
Maints soirs nous errons dans le val
Que vont drapant les heures grises.
Des pleurs perlent ses yeux d’alises
Quand elle ouït les Cydalises
De ce dieu que fut de Nerval.
Ah ! voudrait-elle en long vol d’or
Les rejoindre dans des domaines
Plus vastes que les cours romaines
Où par d’éternelles semaines
La coupe de Volupté dort;
Ou bien donc ouvrir son printemps
Aux fureurs des fatals cyclones
Qui croulent comme des colonnes
Parmi les chastes Babylones
Du cœur des Belles de vingt ans?
Oui chère, que ton cœur est beau!
Laisses-y choir des blancs jours lestes,
Fuis la ville, ignore ses pestes.
Tu ne seras près des Célestes
Que le plus loin de son tombeau.
