Les vers de Nelligan 10
A-t-elle le cœur qui déborde, comme je l’ai eu la première fois, à la lecture des poèmes de Nelligan? La lectrice de Kim Roberti est-elle à la fois triste et heureuse, comme je l’étais aussi? Comme si l’un des états était indissociable de l’autre? Elle n’a rien dit. Elle m’a juste tendu le livre à cette page :
LA FUITE DE L’ENFANCE
Par les jardins anciens foulant la paix des cistes,
Nous revenons errer, comme deux spectres tristes,
Au seuil immaculé de la Villa d’antan.
Gagnons les bords fanés du Passé. Dans les râles
De sa joie il expire. Et vois comme pourtant
Il se dresse sublime en ses robes spectrales.
Ici sondons nos cœurs pavés de désespoirs.
Sous les arbres cambrant leurs massifs torses noirs
Nous avons les Regrets pour mystérieux hôtes.
Et bien loin, par les soirs révolus et latents,
Suivons là-bas, devers les idéales côtes,
La fuite de l’Enfance au vaisseau des Vingt ans.
