En vos mots 930

Nous voici déjà dans la deuxième partie du mois de février. Le temps passe décidément bien vite. Trop vite? Pas quand je constate que je n’arrive pas à faire tout ce qui est au programme semaine après semaine. En ce qui concerne la succession autant que l’emménagement graduel dans la maison familiale et les travaux que cela demande. Pas assez vite? Oui, quand je pense à l’hiver qui a pris des proportions énormes ces derniers jours, et qui ne semble pas vouloir laisser sa place à un printemps hâtif.
Trop vite aussi quand je pense à tous les billets commencés, aux citations mises de côté, aux images accumulées, aux livres dont je voudrais parler, à toutes ces histoires que j’ai en tête et ausx semaines temps qui me filent entre les doigts. Force est de constater de plus la fatigue qui s’est abattue sur moi en raison d’un surplus de travail et de nuits sans suffisamment dormir.
Mais j’ai été fidèle au pays de Lali. J’ai été là jour après jour, même si ce n’était pas toujours facile. Et en ce dimanche, c’est une illustration de l’artiste Léa le Pivert que je vous propose de faire vivre en vos mots comme vous le faites si bien chaque semaine. Aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, comme le veut l’habitude. Vous avez donc plus que le temps d’écrire quelques lignes, de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier et même, si vous le souhaitez, de les commenter. C’est avec plaisir que nius vous lirons.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les liront.
Il a beaucoup venté la nuit dernière. Et Rachel a très peu dormi. Toute la maison semblait ébranlée, c’en était effrayant. Le chat s’était blotti contre elle, comme il le fait dès qu’il le peut, à n’importe quelle heure. Il ne la quitte pas depuis qu’elle l’a recueilli, il y a de cela quelques mois à peine, alors qu’il fait désormais partie de sa vie comme s’il était depuis toujours membre à part entière de la maisonnée. Elle l’avait trouvé un soir de pluie battante. Comment peut-on abandonner ainsi un animal, et après l’avoir laissé sans soins? Rachel a réconforté la petite bête au poil maigre et toute grelottante. Elle l’a enveloppé dans une couverture et mené chez le vétérinaire, qui lui a prescrit de quoi le revitaliser et guérir ses plaies. Maintenant son pelage est fourni et brillant et il a pris du poids, de sorte que sa taille est même devenue plutôt imposante. Rachel l’a appelé Subito. Car il est arrivé subitement dans sa vie, et s’y est tout de suite taillé une place de roi. Elle pense de plus au jeu de hasard du même nom, et remercie chaque jour la vie de les avoir rendus gagnants au quotidien, tous les deux. Du pur win win, ronronnant et confiant de part et d’autre. Tiens, elle aurait pu l’appeler Win Win aussi! Mais il connait déjà parfaitement son patronyme. Et Subito ça lui va vraiment bien.
Ce matin donc, après une courte nuit, elle s’est levée aux aurores, et s’est installée flanquée de Subito à sa table de travail, habitée d’une furieuse envie de dessiner. Des portraits de Subito, elle en avait déjà réalisés, et des quantités. Des autoportrait aussi. Mais un nouvelle fois aujourd’hui, elle s’est essayée à représenter comme elle l’imagine sa mère biologique. La retrouvera-t-elle un jour? Les espoirs sont minces, mais les recherches sont en cours. Elle la visualise brune, sa mère, comme elle. Mais peut-être l’est-elle moins, ou davantage. Tout dépend du père. Elle a également lancé une enquête pour aller à sa rencontre à lui. Mais l’investigation pour le moment n’a rien donné. Pour la mère, on est sur des pistes. Enfin, Rachel l’espère. Car la dernière fois on le lui avait fait croire. Un rendez-vous avait même été pris et elle avait déjà réservé son billet pour le sud de la France. Quand on lui avait signalé sans trop d’excuses ni de ménagements qu’il s’agissait d’une lamentable erreur, elle s’était senti presque défaillir. Atterrée, elle avait alors ravalé son chagrin, et sa déception. C’est à ce moment-là qu’était soudain apparu Subito. Comme par enchantement. Il lui avait changé les idées, et lui avait offert la tendresse dont elle avait tant besoin. Et elle avait trouvé un être à aimer, à défaut de sa mère, qui d’ailleurs une fois retrouvée ne la chérirait peut-être pas autant qu’elle se le faisait croire. Elle-même en outre ne pourrait peut-être pas non plus aimer comme elle l’aurait désiré cette mère qui l’avait larguée. Qui était donc cette femme qui l’avait abandonnée? En avait-elle vraiment de si bonnes raisons?
Les chats ne connaissent pas ces problèmes de filiation. Si elles ne sont pas séparées de leurs rejetons, les mères chattes comme tous les animaux en général, prennent soin avec diligence de leurs petits. En revanche, une fois ceux-ci éduqués et capables de se débrouiller seuls, elles ne les embarrassent pas de leur présence. Devenus adultes, les félins n’ont plus du tout de rapport parents-enfants avec leurs géniteurs. Mais ça, c’est seulement à l’âge adulte. La mère se retire, après avoir pris soin. Il n’y a que les humains qui puissent abandonner leur progéniture ainsi sans défense. Ou leurs animaux, ce qui est encore bien plus fréquent. Car qu’est-ce qu’un animal, au regard de certains? Parfois, dans cette société matérialiste, encore moins qu’un objet! Comment ne pas être sensible pourtant à ces yeux pleins d’amour, à ces petits êtres qui ont tant à nous donner?
Le vent s’est quelque peu calmé. De rares promeneurs se risquent de temps à autres sur la grève. Là même où Rachel a déniché Subito un soir glacé de novembre. La mer s’est retirée. Et en y songeant, Rachel pense à la formule qui lui est venue concernant les mères qui se retirent. Rachel regarde son dessin. Puis ses yeux se tournent vers le ciel, si gris jour après jour. Elle aurait dû naître au soleil, avec sa peau bronzée. Mais il fallait qu’elle vienne au monde ici, dans cette région désolée battue par les rafales et rythmée par le ressac parfois violent. Il l’avait fallu impérativement, pour qu’un jour elle puisse y rencontrer Subito, et que se nouent leurs coeurs. Indissolublement.
Commentaire by anémone — 19 février 2025 @ 20:35
Dimanche. Il pleut. Merde!…
Enfin, façon de le dire… Se plaindre. Plus par habitude qu’avec des raisons.
Il me vient en tête les mots de Claude Roy : « Les doigts nombreux de l’averse tambourinent légèrement la terre qui avait soif… » Je pense aux poèmes épistolaires d’Apollinaire. J’entends la plainte de Verlaine « Il pleure dans mon cœur, comme il pleut sur la ville. » Et le rire de Léopold Sédar Senghor : « Il pleut sur la mer, / Le grand ciel du soir / Et la mer se meurt / Dans un éclat de rire. »
Dimanche. Il pleut. Et la pluie de ce dimanche me semble si apaisante, si douce qu’elle est un merveilleux prétexte à la flemmardise, non culpable. Genre papillon qui voltige de quelques lignes prodigieuses de Mia Couto à la mélancolie de Pessoa. Ou à avoir une âme musicale qui voyage, heureuse, entre « Il pleut / C’est pas ma faute à moi / Les carreaux de l’usine / Sont toujours mal lavés » à « C’est l’hiver à San Francisco / Mais il ne tombe jamais d’eau / Aux confins du Colorado. » en passant par « La pluie fait des claquettes sur le trottoir à minuit / Parfois, je m’y arrête, je l’admire, j’applaudis » ou par la voix de Maurane «J’aime les dimanches quand il mouille »…
Le maître de la maison vient me dire bonjour. Il s’installe et s’impose pour un câlin. Tout en faisant croire qu’il n’a rien demandé. « Dieu a inventé le chat pour que l’homme ait un tigre à caresser chez lui » disait Victor Hugo. Un tigre que la plupart du temps préfère la douce chaleur de l’étagère consacrée à la poésie et ses vertus multiples, auquel ma présence lui est aussi indifférente que les gouttes de pluie qui frappent les carreaux.
Dimanche. Il pleut. Le Tage a l’air d’une vieille fille imperturbable, dans son austère robe gris clair, qui se traîne, paisible et pantouflarde, en attendant le printemps.
Moi, j’ai envie de croire aux mots de Sylvain Tesson : « La pluie a été inventée pour que l’homme se sente heureux sous un toit » et je me dis : Quel bonheur!… Il pleut.
Commentaire by Armando — 22 février 2025 @ 10:56