En vos mots 28
La catégorie En vos mots existe et persiste grâce à vous, et à personne d’autre, écrivains du dimanche, amoureux de mots et des couleurs. Et c’est toujours avec grand plaisir que dimanche après dimanche je valide vos textes de la semaine tout en accrochant une nouvelle toile. Pas juste grand plaisir, émotion aussi, cœur qui bat, sourire tendre.
Il est des endroits au pays de Lali qui ne ressemblent à aucun autre. En vos mots est un de ceux-là, un de ceux, aussi, qui font que le pays de Lali est ce qu’il est et pas autre chose.
Après la très classique toile de Johannes Vermeer, voici celle d’un Jean Hélion inspiré, plus récente (1950) et j’ose l’espérer, avec suffisamment d’humour pour que vous ayez envie de le signaler et tout aussi envie de vous laisser porter par votre imagination.
Amusez-vous. Racontez. La toile est là pour que vous la laissiez se dire en vos mots.
Bon dimanche et bonne semaine!

FEUILLE DE CHOU
C’est l’heure de tombée,
Les feuilles sont prêtes.
Chacun a payé
Pour lire sa gazette.
Le comptable est content:
Hausse de l’or et d’argent.
Le député s’affole,
On déforme ses paroles.
L’artiste déprime,
On crache sur ses rimes.
Le sportif est déçu,
Son équipe a perdu.
Le vieux cruciverbiste
A découvert une piste.
Le caricaturé
N’aime pas du tout son nez.
Les morts sourient aux anges.
L’horoscope se venge.
L’éditeur est ravi,
Il empoche les profits.
Flairjoy
Commentaire by Flairjoy — 21 octobre 2007 @ 10:43
Depuis quelques jours que la nouvelle traînait de bouche à oreille. Personne ne voulait vraiment y croire mais tout le monde se donnait du plaisir à donner du crédit au ragot bête, idiot et méchant. Ces mots pourris que les êtres bien pensants aiment transporter, pour mieux se dire que la vie des autres ressemble un peu à la leur. Pour mieux se dire que les autres ont des travers.
Et, pendant que les travers des autres s’étalent, on oublie leurs propres travers. C’est bien cela. Pendant qu’on parle des autres, on détourne les attentions de sa propre petitesse.
Alors comme ça, Monsieur Monami avait sombré petit à petit dans une sorte de dépendance à une drogue plus ou moins maléfique. Lui, l’être affable et généreux. Souriant et bon enfant. L’ami confident de son prochain que ne portait jamais de jugements haineux sur quiconque ni personne, avait tout de même un travers quelque part.
Les bonnes âmes étaient presque heureuses d’apprendre son malheur.
Puis, un jour ce qui n’était qu’une rumeur est apparu dans les pages du journal. C’était donc vrai.
Je me souviens que ce jour-là, tout le village s’est rué sur la petit feuille puante de journal. Chacun voulant lire la nouvelle avant son voisin.
Je me souviens que ce jour-là, tout le village en parlait. Certaines personnes semblaient étonnées. D’autres cyniques. Tous étaient méchants de bêtise.
La vie d’un homme se jouait dans sa solitude et tout le monde faisait de cela un sujet de conversation et de nouvelle de journal. Alors qu’il était si simple de se taire et de lui tendre la main. Juste pour lui dire : Je suis là. Je crois que tu vas t’en sortir. Et si tu ne t’en sors pas, je serai toujours là et je t’aiderai à t’en sortir. Et nous recommencerons jusqu’à que tu réussisses. Jusqu’à qu’on soit libres.
Pour ma part, je n’ai pas acheté de journal. Je n’ai parlé a personne. J’étais là, assis. À l’écart. Je voyais tout ce va-et-vient et j’ai été pris de pitié par tous ces gens bêtement avides de la vie des autres.
J’ai pensé à Monami. J’ai pris une feuille de papier blanche et ma plume. J’ai pensé à la conversation que j’avais eue chez lui. Un soir. Et j’ai senti une énorme tendresse à son égard. Je m’inclinais devant son courage. Et j’étais heureux d’avoir été à portée de son regard à la fois triste et épris de vie. Je savais les chemins qu’il avait traversés et soudain j’ai eu une envie de jeter au vent des mots simples : « J’aurais tant aimé que mon père te ressemble. Je sais que tu t’en sortiras, bonhomme. Parce que je suis ton ami. Parce que je t’aime. ».
Puis, j’ai souri. Comme si j’avais envie de croire que le vent allait lui emmener mes mots un jour ou l’autre.
Commentaire by Armando — 26 octobre 2007 @ 2:09