Lali

23 décembre 2013

Déroutant, dérangeant, fascinant

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 20:38

porte

Si vous aimez tout ce qui est linéaire, chronologique et sans surprise, ne vous procurez pas le premier roman de René-Daniel Dubois. Si vous n’avez pas peur de marcher sur un terrain miné, de ne pas savoir ce qui se cache derrière la porte ni d’être dérouté autant par les multiples intrigues que par un texte aux phrases pour la plupart courtes et saccadées, précipitez-vous chez votre libraire : ce livre est pour vous.

Il faut au lecteur éventuel de Porte d’entrée, qui s’annonce comme le premier volet d’une longue série, autant d’audace pour le traverser qu’en a eu le dramaturge à le construire et le peaufiner pendant près de 30 ans. Pas parce qu’il est difficile à lire, mais parce qu’il n’a rien à voir avec un roman traditionnel.

Porte d’entrée n’est pas sans faire référence au théâtre de Dubois, notamment aux personnages de Panique à Longueuil, quelque peu déjantés et aux effets langagiers de Ne blâmez jamais les bédouins, deux des pièces qui forment probablement l’épine dorsale du théâtre du récipiendaire du prix du Gouverneur général en 1984.

Mais il n’est pas nécessaire d’avoir vu ou lu son théâtre pour faire entrer de plain-pied dans le premier roman de René-Daniel Dubois. Il suffit simplement de faire confiance à l’auteur qui n’a peur de rien puisque Porte d’entrée commence par le chapitre XXI et ne nous offre par la suite que quelques-uns des 58 chapitres, ceux qui ont échappé au désastre ou à la fin du monde alors qu’un garçon voit l’homme qu’il aime se vider de son sang et qu’un autre examine le ciel d’où va venir l’invasion soviétique.

Pas très loin de là, il y a des rats qui attendent leur heure et des lecteurs fascinés qui vont de page en page, déboussolés, mais calés au fond de leur siège, à la recherche de la clé peut-être absente, qui a dû tomber d’une poche alors qu’il tournait la page. Obnubilés par le rythme, les phrases au rythme inhabituel, coupées en deux, en trois ou plus par des points, comme celle-ci :

« Le garçon aux fortes épaules.
Raconta.
Comment ce qui se produisait là.
En cet instant précis.
Tout autour d’eux.
Trouvait ses origines dans ce qu’il lui avait raconté.
Juste avant que la fin du monde ne se mette.
À déployer.
Ses ailes.
Et sa fureur. »

Ou par celles, longues, très longues, essoufflantes qui les ponctuent, l’auteur prenant plaisir à aller des unes aux autres alors qu’il déroule sous leurs pieds un univers duquel la violence est loin d’être absente, autant celle au sens propre que celle des sentiments. Jusqu’à ce qu’arrive le dernier chapitre, moins touffu, moins hors-normes, un peu moins d’une centaine de pages qui répondent en quelque sorte au premier chapitre (le XXI) et permettent de mettre fin au maelström que constitue la trame de Porte d’entrée.

Dire qu’il s’agit d’un roman facile serait mentir. Mais de là à dire qu’il s’agit d’un exercice insurmontable, nous sommes loin du compte. Porte d’entrée n’est pas pour tout le monde. Que pour ceux qui ont envie de ne pas savoir où ils vont, tout en faisant confiance à quelqu’un qui s’est peut-être perdu.

Ceux-là risquent d’être fascinés.

Texte publié dans

Titre pour le Défi Premier Roman

Un commentaire »

  1. Je ne me sens pas très attirée… désolée ! 😉

    Comment by Anne — 24 décembre 2013 @ 6:52

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