Le verbe lire dérive d’un verbe latin qui signifie cueillir : l’homme qui lit est comme un cueilleur de fruits. Lire, c’est donc aller au-devant d’une nourriture. (Geneviève Cacérés)
*toile de Ben Pines
Le verbe lire dérive d’un verbe latin qui signifie cueillir : l’homme qui lit est comme un cueilleur de fruits. Lire, c’est donc aller au-devant d’une nourriture. (Geneviève Cacérés)
*toile de Ben Pines
sur ton visage
l’avéré
dans sa lumière
assise
tu écoutes
la fin
ne peux dissimuler
ta blessure
Guillaume Lebel, Dans l’œil des vestiges
*choix de la lectrice de Lacey Bryant
Les lecteurs de Lucie Pagé, auteure du très beau récit Mon Afrique et du roman Eva, ont une idée de l’Afrique du Sud des années 1990. Le premier roman d’Eza Paventi, Les souliers de Mandela, nous plonge, quant à lui, dans une Afrique du Sud contemporaine.
Dépaysement et paysages seront bien sûr au rendez-vous autant pour Fleur Fontaine que pour les lecteurs, tous entraînés par la voix d’Eza Paventi, presque ensorcelante, à tout le moins musicale, comme si le roman était une succession de mélopées. Ce roman qui n’est qu’émotions est porté par un deuil amoureux et une reconquête de l’identité rendus possibles grâce à la distance entre soi et l’autre, le passé, l’inaccessible rêve et l’effondrement. Car tout, en plus de soi, est à apprivoiser dans ce pays dont la beauté sauvage a si bien été exprimée dans les paysages peints par William Coetzer, dont le rythme coule dans le sang de Johnny Clegg qui en a fait son pays, et dont André Brink, J. M. Coetzee, Nadine Gordimer et Wilbur Smith ont porté le souffle jusqu’à nous, jusqu’à Fleur, qui dit ne savoir rien de cette terre qui l’accueille, mais dont elle connait, comme nous, ce qui est parvenu jusqu’à elle par la littérature et la musique, autant d’aspects de cette réalité qu’elle aborde, incertaine et inquiète.
De prime abord, Fleur peut paraître superficielle et même agacer tant rien ne l’intéresse que sa petite personne, sa peine d’amour, mais cette impression ne dure pas. La rudesse du pays, sa beauté, les difficultés auxquelles font face les gens qu’elle rencontre, qui sont bien plus dures que les siennes, le temps qui ne se déploie avec la même vitesse que dans le pays qu’elle a laissé derrière elle lui permettent d’accéder à une richesse intérieure et à une réflexion progressive qui nous rendent Fleur attachante. Probablement parce que pour marcher, pour aller au-delà du paraître, elle a « emprunté » les souliers de Mandela afin que son combat personnel s’inscrive dans le combat collectif d’un peuple toujours brimé.
Cela donne un roman bouleversant, dans lequel les sous-entendus s’inscrivent en marge tels des secrets si lourds qu’ils débordent du texte. Un roman aux regards en biais qui finissent par regarder dans les yeux tous les protagonistes. Un roman grave qui se démarque d’une littérature parfois un peu frivole et médiatisée. Un roman d’une grande maturité que l’auteure a sans doute mis des années à mettre au monde, raturant, réécrivant, peaufinant, actualisant. Pour qu’il soit le plus près possible de ce qu’elle voulait transmettre de sa propre expérience sud-africaine sans faire de ce roman sa propre histoire, Eza Paventi s’est laissée guider par ses impressions et ses souvenirs tout en créant un personnage féminin assez loin d’elle afin d’éviter le danger de l’autofiction.
Nul doute que la cinéaste et journaliste a réussi son pari. Les souliers de Mandala vont faire du chemin. Ils vont même aller très loin.
Titre pour le Défi Premier Roman 
J’ai eu l’occasion d’assister à un concert de Jan Lisiecki en mai dernier. Âgé d’à peine 18 ans, le pianiste canadien d’origine polonaise s’est attaqué pour l’occasion aux études de Chopin qu’il venait tout juste d’enregistrer.
Le résultat est un album qui ne marquera pas l’histoire de la musique, mais qui demeure néanmoins fort agréable à écouter. L’interprétation du jeune pianiste est en effet honnête, mais sans plus, et on reste perplexe face à son choix de s’attaquer à ces études déjà immortalisées par les plus grands auxquels il ne peut pour le moment se comparer, comme le montre son interprétation de l’Étude révolutionnaire, techniquement intéressante, mais à laquelle il manque la profondeur.
Il n’empêche que Jan Lisiecki a devant lui de belles et nombreuses années, et que nous aurons plaisir à le suivre. Il finira bien par trouver son propre créneau et se démarquer de ses contemporains ou de ceux qui l’ont précédé.
Il n’y a vraiment que deux choses qui puissent faire changer un être humain : un grand amour ou la lecture d’un grand livre. (Paul Desalmand)
*toile d’Annika Connor
L’après-midi liquide
Du R&B éthiopien
flotte doucement
dans la pièce
Par la fenêtre
la grande cheminée brûle
ses derniers souvenirs
Une vie
qui ne m’appartient pas
Comment a-t-elle pu revenir
à ce qu’elle avait quitté?
la Carter, la 8e
leurs fantômes
Ses épaules bougent
au rythme des ombres
d’Addis-Abeba
L’Afrique lui coule
le long du dos
inonde la cuisine
d’effluves berbères
Je me noie
tout près d’elle
dans l’après-midi liquide
Je cherche un pont
entre Rouyn et Nairobi
Impuissant
face au jour qui s’échappe
sur cette étrange musique
éthiopienne
Nicolas Lauzon, Géographie de l’ordinaire
*choix de la lectrice de Janos Czene Apatfalvi
Marie aime bien être seule, faire des activités qui ne demandent nullement de se faire à deux ou à plusieurs, et recherche même celles-ci, au grand désarroi de ses parents. Ceux-ci sont tellement entourés d’amis qu’ils ne comprennent pas comment leur fille unique peut préférer la solitude. Il faut donc remédier à ce « problème » par tous les moyens. Mais Marie n’apprécie pas qu’on prenne trop de place et qu’on nuise à son imagination.
Toutes les tentatives visant à ce que leur fille se sociabilise se soldent par un échec cuisant. Marie est bien… toute seule. Et pas autrement. Enfin, pas tout à fait. Il suffisait de lui trouver l’ami idéal : un chat.
Nathalie Ferraris propose un regard sur ces enfants qui fonctionnent bien (voire mieux) seuls plutôt qu’accompagnés. Souvent pointés du doigt, parce qu’on les imagine un jour ermites ou même pires, ces enfant n’ont pourtant rien d’effrayant ou d’anormal. Je le dis haut et fort, puisque j’étais ainsi. Mais heureusement, ma mère a vite compris à qui elle avait affaire après un anniversaire souligné avec faste et nombreux invités. Les bougies soufflées, le gâteau mangé, les cadeaux déballés, je lui avais demandé à quelle heure ceux-ci allaient s’en aller. Je les avais assez vus. Ce fut la seule fois qu’elle me fêta.
C’est donc dire à quel point je me suis reconnue dans Marie Solitude. Je n’ai pas beaucoup changé depuis mes trois ans. J’ai juste appris à dompter mes instincts de sauvageonne et à équilibrer par un dosage qui me convient le temps passé en duo ou en groupe, et celui passé toute seule. Et je crois que ça marche. Personne ne sait qu’un certain seuil franchi je deviens une grincheuse malcommode. Je sais partir avant que ça n’arrive. Comme Marie Solitude. Que bien de parents, et pas seulement des enfants, devraient lire. Aimer la solitude n’est pas une tare.
Les jours fériés servent, entre autres choses, à se promener sur la toile et à faire de jolies découvertes. Ainsi, les magnifiques sculptures de l’artiste britannique Emma Taylor. J’ai même commandé des signets et des cartes postales. Vous pouvez le faire aussi.
Nous pensons que les nuages parlent aux rêveurs et que l’âme s’enrichit à les contempler. (Gavin Pretor-Pinney)
*illustration de Christopher Silas Neal