
Elle s’appelait Soraya et nous étions inséparables à l’école primaire. Son grand-père avait fui le régime de Franco, son père avait fui celui de Trujillo pour s’établir à New York. C’est là qu’elle était née, c’est là que vivait toute sa famille alors qu’elle était pensionnaire à Montréal. Pourquoi Montréal? Je n’ai jamais su. Je sais juste que nous étions inséparables et que je croyais ferme qu’elle était la descendante d’un quelconque prince espagnol malmené par la dictature. Et quelle petite fille ne rêve pas de côtoyer une princesse, dites-moi?
À la fin juin 1973, elle est rentrée aux États-Unis pour de bon. Le high school l’attendait. Pendant quelque temps, des lettres ont été échangées entre East Elmhurst, New York et Montréal-Nord. Puis plus rien. Mais il n’est pas de 1er novembre (date de son anniversaire) où je ne pense pas à mon amie la princesse aux longs cheveux noirs et aux yeux de braise à qui ses parents avaient accordé le privilège d’un dimanche hors du pensionnat pour le passer avec nous.
Un jour, qui sait, la vie me fera peut-être retrouver Soraya…
*toile de Philip Hermogenes Calderon