Lali

21 novembre 2009

Un recueil sur la solitude 4

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

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C’est avec la lectrice peinte par John Russell que se clôturera la série d’extraits tirés du recueil de Jean-Marc Desgent intitulé On croit trop que rien ne meurt. Mais non sans un dernier que voici :

Certains visages sont vrais. On sent qu’ils vont bientôt disparaître.
Nous ne nous retrouverons pas.
On connaît les routes des cités personnelles.
On passe du toucher au regard, de l’odorat à la pensée.
Les visages trop vrais, eux, demeurent sans fin
l’imposture : la passion de l’éternité.

Deux jours dans mes souvenirs 24

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Presque tous les enfants jouent au magasin. Nous, nous jouions à la pharmacie. Papa nous rapportait des bouteilles vides, des boîtes qui avaient contenu des pommades, des cartonnages de suppositoires vides, bref tout ce qui pouvait servir pour notre commerce. On ne savait pas qu’un jour on allait toutes les deux jouer à la pharmacie pour de vrai quand nos parents auraient leur propre pharmacie et que nous allions y travailler pendant un peu plus de vingt ans.

*toile de Michael Alford

Deux jours dans mes souvenirs 23

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Elle s’appelait Soraya et nous étions inséparables à l’école primaire. Son grand-père avait fui le régime de Franco, son père avait fui celui de Trujillo pour s’établir à New York. C’est là qu’elle était née, c’est là que vivait toute sa famille alors qu’elle était pensionnaire à Montréal. Pourquoi Montréal? Je n’ai jamais su. Je sais juste que nous étions inséparables et que je croyais ferme qu’elle était la descendante d’un quelconque prince espagnol malmené par la dictature. Et quelle petite fille ne rêve pas de côtoyer une princesse, dites-moi?

À la fin juin 1973, elle est rentrée aux États-Unis pour de bon. Le high school l’attendait. Pendant quelque temps, des lettres ont été échangées entre East Elmhurst, New York et Montréal-Nord. Puis plus rien. Mais il n’est pas de 1er novembre (date de son anniversaire) où je ne pense pas à mon amie la princesse aux longs cheveux noirs et aux yeux de braise à qui ses parents avaient accordé le privilège d’un dimanche hors du pensionnat pour le passer avec nous.

Un jour, qui sait, la vie me fera peut-être retrouver Soraya…

*toile de Philip Hermogenes Calderon

Deux jours dans mes souvenirs 22

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Il y a eu ce jour de honte, de grande honte, de honte totale, ce jour dont on se souvient et qui a tout du cauchemar. Ce jour d’un examen de diction où les huit lignes qu’on avait à déclamer se sont envolées par la fenêtre pour vivre leur vie. Rien ne nous revient. Le grand vide. On ne sait plus le titre, c’est vous dire. Le regard implorant, on cherche un indice dans la salle qui pourrait nous donner le départ. Mais il ne se passe rien. Quelqu’un a camouflé les indices. Et pourtant, c’est si court huit lignes, ce n’est pas possible. Et ces trois minutes où on a fouillé dans sa mémoire, où on a trituré le bord de sa jupe en espérant que des mots s’en échappent, où on a imploré tous les poètes du monde, ont duré une éternité. Une éternité plus longue que l’éternité. Le temps que quelqu’un mette la main sur le recueil de poèmes et me donne le départ. Et pour bien enfoncer le clou, je l’ai débité à mi-voix, d’une traite, à toute vitesse, sans reprendre mon souffle, pour en finir au plus vite et aller me cacher dans le fond de la salle.

*illustration de Robert Casilla

Deux jours dans mes souvenirs 21

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On a passé un été entier à « jouer aux robes ». Il y avait dans le sous-sol de Julie deux malles de vieux vêtements, de chapeaux, de chaussures et de crinolines. Et bien entendu, dans le lot de ces merveilles pour petites filles, une robe de princesse, car il y en a toujours une. Et comme nous étions cinq, notre jour de gloire arriverait une fois sur cinq… mais quel heureux jour quand ça arrivait!

*toile de Sergei Chernikov

Deux jours dans mes souvenirs 20

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Ma grand-mère paternelle a travaillé près de 40 ans à la biscuiterie Viau. J’ai donc eu une enfance « sucrée » entre balais en chocolats, biscuits whippets et lunes de miel, qui étaient des caramels enrobés de chocolat. Ce n’est qu’à l’âge de douze ans que j’ai compris que si nous étions tellement gâtées ma sœur et moi, c’est parce que ma grand-mère pouvait, comme ses collègues, partir avec les « défectueux ». Tout ça parce que chez mon amie Sylvie sa mère a déposé dans un bol des lunes de miel, toutes séparées les unes des autres et non pas une boule qu’on frappait sur le comptoir pour que s’en échappe une… Curieusement, je n’ai jamais pu m’habituer aux « parfaites »…

*toile de Maggie Flanagan

Deux jours dans mes souvenirs 19

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Une année, pour Pâques, Chantal – qui habitait de l’autre côté de la rue – et Monique avaient décidé qu’on allait acheter des canetons. C’est si mignon, des canetons. Alors, nous sommes parties toutes les trois pour le centre commercial où elles avaient repéré nos futurs nouveaux copains. Et c’est vrai qu’il était mignon mon petit Piccolo quand il flottait sur l’eau du lavabo du sous-sol. Et c’est vrai qu’il était mignon avec ses coin-coin et son regard en coin.

Mais Piccolo est vite devenu un canard. Très grand et glouton. Capable de renverser la boîte de carton qui lui servait de maison. S’époumonant toute la journée dans une cacophonie assourdissante et s’échappant le reste du temps.

Morale de l’histoire : c’est bien joli les canetons, mais les canards ne sont pas des animaux domestiques, si bien que nos trois copains sont partis vivre à la campagne, chez une cousine de Chantal.

*toile de Philip French

Deux jours dans mes souvenirs 18

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On sautait à la corde, on jouait au ballon chasseur, à la cachette, aux élastiques, à la tag. On ne voyait pas le temps passer. Toutes les mères savaient qu’on était ensemble et qu’on rentrerait à sept heures du soir sans qu’elles n’aient à venir nous le dire trois fois. Il suffisait que le train, à Saint-Vincent-de-Paul, de l’autre côté de la rivière des Prairies, se fasse entendre pour que ce soit là le signal. Et on rangeait la corde et le ballon… jusqu’au lendemain.

*toile de Fritz von Uhde

Deux jours dans mes souvenirs 17

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Un jour on a eu une télévision en couleurs. Je devais avoir huit ou neuf ans. Pas les presque 80 ans de mon grand-père qui ne s’y est jamais habitué. Et pourtant, comme lui, je préférais le noir et blanc de sa vieille télévision pour écouter les parties de hockey dans la même chaise berçante, serrée contre lui. À moins que ça n’ait rien eu à voir avec la télé?

*toile de Sally Swatland

Deux jours dans mes souvenirs 16

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Les garçons du quartier rigolaient quand ils nous voyaient passer. C’est vrai que des filles en pyjama qui traînent leur oreiller d’une main et un sac rempli de choses utiles de l’autre, y a rien de tel pour attirer l’attention un vendredi soir ou un samedi soir d’été alors que tout le monde est dehors.

Mais on se fichait bien de leurs rires. On allait manger du popcorn, s’accrocher des foulards aux bras et danser comme les filles qui se trémoussaient sur les enceintes du Donald Lautrec Chaud, se conter des histoires de peur jusqu’à ce qu’on finisse par s’endormir.

*toile de Michael Rohani

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