Minuits partagés 3
La lectrice de du peintre hongrois Peter Gyenes aime voyager en lisant des poètes d’ailleurs. C’est donc avec bonheur qu’elle a parcouru Minuits partagés de Robert Piccamiglio et retenu ceci :
Chambre d’étoiles très étroite
Je me couche jusqu’au soir
dans une chambre d’étoiles
très étroite.
Enfermé
je ne vois plus rien
ni les trottoirs qui abandonnent
inlassablement
toujours les mêmes piétons
ni la mort des autres
puisque le rendez-vous
est fixé depuis
un bon moment déjà
et que moi-même
je n’y suis pour rien.
Qu’importe alors
le bruit serré de la pluie
ou celui plus sec du crépuscule
qui s’obstine à traverser
l’horizon à petits pas
quand il faudrait le déchirer
d’un seul cri d’amour
ou de haine
mais c’est souvent la même chose.
Quand la nuit tout à coup
s’appuie sur toutes les rues
en même temps
je me lève
et en silence je quitte
la chambre d’étoiles
très étroite.
Alors seulement
je peux me remettre en marche
personne ne me suit
ni les piétons attardés
ni la mort des autres
repartie tapiner ailleurs.
Et comme
je ne sais pas où c’est
je peux difficilement vous indiquer
la rue le numéro de la chambre
et encore moins
le nom de l’hôtel.
Je marche
je ne regarde pas les troupeaux
qui aveuglent férocement
toutes les extrémités tendues
qu’il y a dans le ciel épais
de la nuit
je regarde par terre
je ne vois rien ni personne
et c’est très bien
comme ça.









