Maintenant qu’elle sait les lettres qui ne se sont jamais rendues, maintenant que le temps a passé les laissant chacun de leur côté dans leur solitude respective, devrait-elle lui dire qu’il n’y a pas de jour où elle n’a pas pensé à ce frère de cœur? Devrait-elle lui dire que chaque fois qu’elle écrivait pour elle et pour ceux qui la lisaient, elle espérait qu’il la lise lui aussi? Devrait-elle lui dire à quel point il lui a manqué? Devrait-elle lui parler de ces musiques qu’elle aurait voulu partager avec lui bien avant de le faire avec d’autres?
La lectrice de Kitty Lange Kielland, assise à sa table, entend encore le rire de celui, là-bas, très loin, qui n’a jamais cessé d’être là. Même si elle était de plus en plus absente jusqu’à ne plus savoir revenir auprès de lui où il fait bon les mots et la musique. Où il fait bon aussi se taire, juste se savoir là.
Cette lectrice, vous l’aurez peut-être compris, n’est nulle autre que moi. Et ce billet pour celui qui, je le sais, se reconnaîtra, malgré le silence prolongé. Car entre nous, il y aura toujours le respect, l’amitié, la tendresse et le partage. Et surtout pas de promesses. Peut-être un rêve. Oui, un rêve. Celui d’une rencontre, un jour, quelque part. Où on n’aura pas besoin de parler, parce que j’aurai tout dit avec mes mots, et lui avec ses chansons. Ou parce qu’on n’aura rien dit au fond, mais qu’on se sera compris.
Je voudrais ici, simplement lui dire que je suis revenue m’asseoir avec lui et ceux qui l’entourent, sous l’arbre. Et que même si je suis encore un peu silencieuse, je suis là.