Loulou forever
Conservatoire d’art cinématrophique, Université Concordia, automne 1985, festival Louise Brooks.
Le classique Loulou de Pabst (1929), pour la énième fois, et d’autres films, moins importants dans lesquels elle a tenu de petits rôles, comme A girl in every port.
Mais surtout ce vieux monsieur venu nous parler d’elle, décédée au mois d’août précédent, qu’il a connue à l’aube de ses 20 ans, alors que l’ex-danseuse et ex-star du cinéma muet habitait le même immeuble que lui à New York. C’était l’époque où elle exerçait divers métiers, en radio et en publicité. C’était l’époque d’avant Rochester où elle a fini sa vie, loin de tous, dans sa solitude choisie, après avoir écrit sur le cinéma.
Le vieil homme avait les larmes aux yeux quand il parlait de Louise Brooks. Il avait sûrement aimé en secret cette femme de quinze ans son aînée. Elle avait été sa muse, son inspiration. Il n’a pas eu à le dire, car rarement ai-je vu des épaules affaissées se relever autant, exceptionnellement ai-je vu des yeux teintés de gris devenir aussi bleus.
La passion animait le vieil homme.
Visiblement, il était perdu sans celle qui avait illuminé sa vie.
La projection terminée, alors qu’il ouvrait son parapluie, livré à lui-même, je suis allée vers lui. « Thank you » ont été les seuls mots que j’ai pu lui dire. Il n’en fallait pas plus, je l’ai vu dans son regard.
Louise Brooks, la brillante interprète de Loulou, serait à jamais une inspiration pour lui. Comme elle l’est pour moi depuis vingt ans, alors que se tisse un roman autour d’elle que je ne parviens pas à terminer. Et qui restera peut-être inachevé, je ne sais pas.
Je sais d’elle tout ce que j’ai lu au fil des ans. Son non-conformisme, son esprit libertaire, son indépendance, sa fidélité envers ses amis. Je sais d’elle sa passion pour les mots et pour la vie.
Louise Brooks n’est pas une étoile filante, mais une de celles qui brillent dans mon firmament.