Lali

16 août 2012

Un roman que ne renierait pas Mishima

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 19:23

Dès les premières pages de Coma, le premier roman de François Gilbert, le lecteur se trouve plongé dans un univers à mi-chemin entre le Japon et la Chine, le personnage principal étant un jeune Japonais qui a choisi la fuite vers la Chine pour échapper à sa propre vie et au coma de celle qu’il aimait.

Roman d’atmosphère en même temps que psychologique, Coma ne s’attarde pas aux détails, respectant en cela le mode de vie en Orient que l’auteur, qui y a séjourné à plusieurs reprises, a su restituer avec une telle justesse qu’on a l’impression qu’il a été écrit par un Oriental. D’autant plus qu’on n’y trouve aucun personnage venu d’ailleurs, que ce soit d’Europe, d’Amérique ou d’Afrique.

Au moment où s’ouvre le roman, Satô vit depuis quelque temps en Chine, pays dont il s’est épris en même temps qu’il s’est attaché à certaines personnes. Plus question pour lui de retourner au pays de ses racines. Et pourtant, il suivra la mère d’Ayako venue lui demander de l’aider à sortir sa fille du coma, maintenant qu’elle a compris à quel point ils ont été importants l’un pour l’autre, de l’enfance à l’âge adulte. Même si au départ il préférerait ne pas partir, de peur que tout change en son absence. Il n’a, en effet, pas envie de vivre ailleurs qu’en Chine. Le Japon, c’est le passé, un passé auquel il a choisi de tourner le dos, un passé où celle qu’il aimait lui a crevé un œil avant de se jeter à l’eau, dans une scène des plus théâtrales qui n’est pas sans rappeler Mishima pour le tragique, Kawabata pour les images poétiques et Fukazawa pour le rapport à la mort.

À la lumière de ceci, on peut donc s’aventurer à supposer que François Gilbert a sûrement lu les grands classiques de la littérature japonaise et qu’il les a bien lus, puisqu’il a su s’imprégner du rythme qui leur est propre au point de se l’approprier. Le résultat est un roman magistral qui possède une maturité d’écriture qu’on trouve en général chez les écrivains qui ont quelques titres derrière eux; un roman qui devrait se trouver dans la liste des meilleurs premiers romans, voire romans tout court, de l’année 2012 à l’heure des bilans.

Faut-il mourir pour vivre? Se donner la mort pour exister à jamais? Se libérer de soi et de ses propres zones d’ombre pour commencer une nouvelle vie dans un corps qui semble ne nous appartenir qu’à moitié? Ce sont là des questions que soulève entre autres Coma, un premier roman exceptionnel qui laisse espérer à son auteur une belle carrière d’écrivain s’il réussit à atteindre avec le deuxième un niveau aussi élevé que celui de Coma.

Texte publié dans

Titre pour le Défi Premier Roman

2 commentaires »

  1. La couverture est très belle, une fois de plus (normal chez Leméac, le pendant d’Actes Sud).

    Comment by Anne — 17 août 2012 @ 5:53

  2. Lali, j’ai beaucoup apprécié ton avis sur ce livre, mais… hélas pour la lectrice que je suis, rien que le titre « Coma » me fait fuir. Il évoque de trop mauvais souvenirs.

    Comment by Chantal — 17 août 2012 @ 14:06

Flux RSS des commentaires de cet article. TrackBack URI

Laisser un commentaire