Lali

11 janvier 2013

Les vers de Wislawa 1

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

Coup de foudre

Ils sont convaincus, tous les deux,
qu’un sentiment soudain les a réunis.
Belle est cette certitude
mais plus belle encore l’incertitude.

Certains que, puisqu’ils ne se connaissent pas,
entre eux rien ne s’était jamais passé.
Et qu’en pensent les rues, escaliers et couloirs
où depuis des lustres ils pouvaient se croiser?

J’aimerais leur demander
s’ils ne se souviennent pas —
peut-être, dans ce tourniquet,
autrefois, face à face?
quelque « pardon » dans la cohue?
un « c’est une erreur » au téléphone?
Mais je connais par avance la réponse.
Non, ils ne s’en souviennent pas.

Ils seraient fort étonnés d’apprendre
que, depuis un bon moment
le hasard jouait avec eux.

Sans être tout à fait prêt
à se faire destin pour eux,
il les rapprochait et les éloignait,
il les croisait en chemin
pour s.écarter aussitôt
en riant sous cape.

Il y eut des signes, des indices,
illisibles, mais quelle importance.

Qui sait, peut-être il y a trois ans,
sinon mardi dernier,
une feuille avait volé
d’une épaule l’autre?
Quelque chose de perdu et de ramassé?
Peut-être ce ballon, déjà,
dans les aubépines de l’enfance.

Il y eut verrous et sonnettes
où, bien avant l’heure dite,
un toucher se couchait sur un autre toucher?
Des valises, côte à côte, à la consigne?
Un rêve identique, une nuit,
aussitôt effacé le matin?

En fait, tout début n’est jamais qu’une suite,
et le livre des événements
à jamais ouvert au milieu.

Wislawa Swymborska, Je ne sais quelles gens

*choix de la lectrice d’Albert Bartholomé

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