Le presque sourire de la liseuse
Qu’a-t-elle lu qui ait rendu cette lectrice aussi songeuse ? Est-ce une lettre dont on ne voit que l’eneveloppe décachetée ? Une de ces vieilles lettres d’amour qu’on conserve et qu’on relit pour se faire mal ou pour croire qu’on n’a pas rêvé ? Une lettre de rupture de la part de celui qui a préféré couché la liste des raisons sur une feuille de papier ?
Ou alors est-ce la page d’un vieil agenda retrouvé au fond d’un tiroir ? Ou même celle d’un journal intime qui lui a permis de remonter le temps et de constater qu’elle avait bien raison, que c’était bien il y a un an jour pour jour qu’il lui avait avoué qu’il l’aimait ? Ou bien une phrase d’une page prise au hasard qui lui a rappelé cette journée insouciante d’il y a de nombreux mois sous un soleil resplendissant, les cheveux au vent ?
Qui peut dire ce qui a donné cet air songeur à la liseuse de Mark E. Miltz ? Je ne peux qu’inventer des raisons comme des prétextes. Me servant là de ce que je vois: un carnet, une enveloppe et la lumière qui se glisse sur sa peau trop blanche.
Je ne peux qu’imaginer, me transposer. Trouver ce qui me donnerait un visage tel et ce presque sourire. Et c’est tout ce travail de détective qui me plaît ce soir. Résoudre l’énigme de ce visage au nez rougi comme après les larmes. Mais qui n’est pas triste. Qui, peut-être, se réjouit d’avoir su retrouver au fond de ses souvenirs, grâce aux quelques lignes d’un cahier ou d’une lettre, celui qui lui fait dire qu’elle a de la chance d’avoir vécu.