L’amie slovène
Voilà un peu plus de sept ans que je m’intéresse à la littérature belge, ce qui m’a donné plus d’une occasion de faire de très belles découvertes, autant chez les poètes, les auteurs de fiction, qu’ils soient romanciers, nouvelliers ou les deux, que chez les auteurs jeunesse.
L’amie slovène de Françoise Houdart fait partie de ces découvertes, celle-ci faite au hasard du rayon des nouveaux arrivages de la Grande bibliothèque. La signature des éditions Luce Wilquin, par son design sobre et épuré, a tout de suite attiré mon attention. Ne connaissant pas l’auteure, ne sachant pas non plus que ce livre prolonge La vie, couleur roman, paru en 1990, je ne l’ai pas laissé sur les tablettes.
Et quelle découverte! Quelle magnifique plume! Quel superbe roman pour parler de l’amitié qui ne meurt pas malgré les années et la distance, maintenue pendant 35 ans par des lettres, des coups de fil, mais aucun contact physique. Pourtant, la Slovénie de Laura devenue Lara dans sa fuite n’est pas à l’autre bout du monde pour Sarah, restée en Belgique. Mais la vie est ainsi. Les années passent. Les enfants, le travail, la guerre pour l’une, la maladie aussi, tout cela prend tellement de place et de temps dans nos vies que toutes deux n’ont jamais réussi à se revoir — ou n’ont pas voulu le faire. Ce n’est pas dans ce constat que se joue la rencontre qui est relatée ici.
Pendant trois jours, Sarah qui a pris l’avion pour la première fois de sa vie va retrouver son amie de jeunesse, celle qui n’a jamais cessé de faire partie de sa vie, celle qui l’appelle sa sœurette comme si les rides ne s’étaient pas encore dessinées sur leurs visages. Pendant trois jours, Lara va raconter, de son arrivée en Slovénie à la mort d’Ivan, en passant par la guerre et tout ce qui a été sa vie, tous ces petits détails qu’elle n’a jamais pris le temps d’écrire, de dire, se contentant souvent de l’essentiel pour que le fil ne se coupe jamais.
Pendant trois jours, elles vont renouer. Et tenter de tout retenir. Car Sarah l’écrivaine a apporté son dictaphone. Pour ne rien oublier quand la distance physique sera à nouveau là : « Je reviens d’une histoire qui n’a pas encore commencé. Qu’il faut écrire dans l’urgence des certitudes éphémères, avec les mots repêchés un à un dans les failles du cœur, les sables de la mémoire, les abyssales chambres noires des pudeurs et des amnésies. »
Un roman magnifique et une invitation à lire d’autres romans de Françoise Houdart. À suivre, donc.
Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».