La liseuse de Wiertz
Je ne m’entête pas à chercher en vain, mais à chercher si je sais que je trouverai. Et cette toile, croisée un soir il y a un an sûrement, enregistrée dans les fichiers disparus de l’ancien ordi, il me fallait la retrouver.
J’avais le souvenir de cette femme nue, aux rondeurs quasi sorties d’un Rubens, à demi allongée dans une position inconfortable et tenant un livre à bout de bras. Une position quasi acrobatique pour s’adonner au plaisir de la lecture, mais une pose intéressante pour celui qui peint.
Antoine Wiertz, pour qui l’État belge a construit un atelier qui allait devenir un musée, a puisé à même les grands thèmes de la littérature et de la philosophie, avec un penchant quasi morbide pour la mort, celle-ci exploitée dans nombre de ses tableaux.
Lecteur avisé et curieux, admirateur de Victor Hugo, pour ne nommer que celui-là, peintre de la démesure qui voulait égaler Rubens, son idole et son maître, il n’en faisait qu’à sa tête, bravant l’opinion publique, voire s’en fichant carrément, occupé ailleurs à mettre en lumière et en couleurs son imaginaire.
Sa liseuse, croquée dans un moment de concentration intense, sera-t-elle dérangée dans sa lecture ? Tout laisse croire que quelqu’un va entrer en scène. La main dérobera-t-elle un livre ou s’aventurera-t-elle jusqu’à une caresse ? Je vous laisse imaginer.