En vos mots 905
Déjà le dernier dimanche d’août! La rentrée scolaire est donc à nos portes, raison pour laquelle j’ai choisi cette illustration signée Zao Dao pour que vous la racontiez en vos mots.
Comme le veut l’habitude, aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Vous avez donc plus que le temps d’écrire quelques lignes et de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, et même de les commenter si vous en avez envie.
D’ici là, bon dimanche et bonne dernière semaine d’août à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Bonjour à toutes celles, tous ceux et à tous les autres entre les deux qui ont le privilège de lire ces mots. Cela va sans dire, mais c’est beaucoup mieux de faire savoir que je ne me fatigue plus à être courtois avec les gens qui ne me lisent pas. Tant pis pour eux. Il ne me manquerait plus que ça.
Il me semble évident que dans ce cas de figure le mot privilégié n’est pas du tout démesuré. Bien au contraire! Étant donné mon niveau d’intelligence très particulier, J’insiste sur le ‘très particulier’ au cas où vous vous posiez la question : est-ce que j’ai bien lu ?, suivie des habituelles et mesquines : il se prend pour qui ?… Eh bien, que la chose soit claire : Je me prends pour moi. Et je vous assure c’est déjà tout un métier…
Mise au point faite, il convient de dire, avec retenue mais sans hésitation, ma satisfaction lorsque j’ai découvert votre billet et la figure qui le met en valeur. Et ceci parce qu’elle, l’illustration bien sûr, vient mettre un point final et définitif à la discussion que j’ai eue avec Tonton Jesaistoutmieuxquetoutlemonde.
Lui, il prétend que certains enfants viennent des choux. Et il justifie la variété en nous philosophant sur les différentes qualités de chou, le chinois, de Bruxelles; le brocoli; le chou-fleur, de Pékin, le frisé, le rouge, le vivace, etc.
De sa voix de savant il m’avait lancé : Tu ne veux quand même pas que le garçon qui naît dans un chou-fleur devienne champion de boxe. Et que celui qui vient du chou de Bruxelles, soit pareil à celui de Pékin… tout de mêmmme… (je mets trois « m » parce c’est comme ça qu’il voudrait m’imposer son savoir).
Alors que moi je défends avec modestie toute une autre possibilité, bien plus poétique. Pourquoi les étoiles ne deviendraient-elles pas des enfants?… Et ça se tient puisque certains finissent par devenir des stars. Ou alors, pourquoi les enfants ne viendraient-ils pas de la pluie? Pourquoi pas?…
En Angleterre, les chiens et les chats viennent bien de la pluie. It’s raining cats and dogs, qu’ils disent, quand ils parlent. Déjà qu’en France il pleut des cordes. Alors que personne n’a jamais pris une corde dans la tête lorsqu’il pleut. que je sache.
Toujours est-il que maintenant vous savez d’où viennent les chats et les chiens. Et les enfants?… Contrairement à d’autres théories faiblement crédibles, j’ai toujours été d’un avis plus large. Plus universel.
Par exemple. On ne dit pas Il est dur de la feuille?… On ne dit pas des imbéciles : Quel gland! et on ne dit pas des gens serviables qu’elles sont de bonnes poires? ou alors qu’on est pressé comme un citron?… Ou encore de quelqu’un qui se prend pour plus qu’il est, qu’il a le melon?…
Tout ça, dur de la feuille, gland, bonne poire, melon, citron me semblent autant de pistes crédibles et scientifiquement démontrées par la sagesse populaire qui me font dire que les choses ne viennent jamais de nulle part.
Et votre illustration m’enlève définitivement une épine du pied. Les enfants viennent bel et bien des arbres, et pas des choux. N’en déplaise à Tonton Jesaistoutmieuxquetoutlemonde.
Comment by Tonton Bidon — 27 août 2024 @ 1:00
Lisboa, 1er septembre 20024
Ma chère B.,
En découvrant l’illustration de Zao Dao, les premiers mots qui me sont venus à l’esprit ont été écrits en 1933 par Fernando Pessoa.
Quand les enfants jouent / Et je les entend jouer
Il y a quelque chose dans mon âme / Comme l’ébauche d’une joie
Et tout cette enfance / Que je n’ai pas eu me vient
Comme une vague de joie / Que n’a jamais été de personne
puis plus rien. Les mots de Pessoa m’ont semblé suffisamment pertinents pour que je ne vienne pas les salir par l’ajout d’autres.
En même temps, dans ma tête engourdie, la voix d’un certain Ronnie Jones, dont j’ignorais l’existence, s’égare dans une vieille chanson de Stevie Wonder. I Just Called To Say I Love You. Et cela me plait. À un point que l’esquisse d’un sourire embellit mes lèvres..
Comme envoûté par l’illustration, je promène mon regard jusqu’aux détails et j’ai cru te deviner, assise avec tes belles nattes. Cet air de regarder comme si tu attendais toujours quelqu’un. Ce même air que tu avais lorsque enfant j’allais te rendre visite, le dimanche. Moi qui n’avais pas encore appris à te dire que je t’aimais. Et papa, avec sa démarche titubante qui nous faisait tellement honte. Le regard dépité des autres. Pauvre de lui. Pauvres de nous. La même blessure. J’aimerais tant me souvenir d’une autre image.
Sans doute que j’aurais sûrement jeté l’éponge depuis longtemps si dans ma vie n’étaient jamais venus, poètes et musiques.
Et toujours l’illustration. Zao Dao. Toi et tes belles nattes. Les mots de Pessoa. Comme pour me faire oublier le grognement des chiens et le hurlement des loups qui hantent mes nuits.
Je t’embrasse.
A.
Comment by Armando — 29 août 2024 @ 23:44
Depuis qu’elle a modelé ses personnages et les a posés sur la souche de chêne qui représente à elle seule tout un arbre, Céline s’arrête souvent pour les observer. Chacun sur sa branche vit son aventure. L’un prudemment assis dans le bas, l’autre tout en haut bras levés, dans une pose de conquérant. Tel autre encore s’amuse à des culbutes, alors qu’un quatrième ne semble s’aventurer qu’en hésitant.
Mais la nuit dernière, Céline a cru s’évanouir de stupeur. Alors qu’elle n’arrivait pas à dormir, elle s’est levée sans bruit pour ne pas réveiller le chat douillettement blotti contre elle, et s’est glissée avec précaution dans la pièce voisine, où l’attendait un spectacle sans pareil et tout à fait renversant.
Certes, les figures de terre étaient immobiles, enfin plus ou moins. Mais plusieurs avaient changé de place. Et s’étaient visiblement servies dans les boutiques des étagères du dessous, où Céline avait installé plusieurs de ses réalisations miniatures. On pouvait y trouver une épicerie, un magasin de jouets ainsi qu’un autre proposant des vêtements et accessoires, et une librairie.
Et voilà que l’une des figurines croquait un fruit venant de l’étal, alors qu’une autre serrait dans sa main une canette de limonade. Une troisième se contemplait dans un petit miroir tandis que sa compagne avait opté pour une plaque de chocolat et un joli sac. Céline eut l’impression que plusieurs n’avaient pas eu le temps de reprendre tout à fait leur attitude initiale, et que l’une d’entre elles était encore animée d’un très léger mouvement de balancier pour se maintenir en équilibre, équipée du bilboquet en bois qu’elle s’était choisi pour s’amuser.
Céline reconnaissait parfaitement tous ces objets issus de ses créations. Une seule de ces petites personnes dotées donc du pouvoir de se mouvoir nuitamment semblait imperturbable et toujours exactement placée dans la même position. C’était celle qui était assise sagement sur une branche basse. Elle se montrait cependant visiblement plus occupée que de coutume, tenant sur les genoux un livre de psychologie fraîchement acquis chez le libraire.
Comment by anémone — 1 septembre 2024 @ 9:38