Lali

5 novembre 2023

En vos mots 863

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

L’hiver a pris place pour quelques jours, le temps de sortir les bottillons, les foulards et les gants pour affronter le vent, le froid et les quelques flocons qui ont fondu depuis. Puis, il fait à nouveau doux, c’est-à-dire que lemercure indique aujourd’hui une dizaine de degrés. Mais le vent est toujours présent. Pas assez puissant pour faire tomber les feuilles qui sont étonnamment très vertes pour un début de novembre. Mais tout de même assez fort pour faire s’envoler celles au sol.

La jeune lectrice de l’artiste Linda Valere a donc choisi de rester au chaud, avec une provision de livres. Je vous laisse donc faire connaissance avec elle afin que vous la racontiez en vos mots.

Comme aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, vous avez plus que le temps de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier et d’écrire quelques lignes. C’est avec plaisir que nous vous lirons dans sept jours.

D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.

2 commentaires »

  1. Je sais que peu de gens ont l’intelligence de le croire. Les gens ne croient que les histoires qu’ils peuvent bien comprendre. Ou apprivoiser. Celles qui leur échappent tiennent toujours de l’extravagant. Parfois de la sorcellerie. Ou encore bien d’autres choses qui n’ont rien d’humain.

    Alors qu’ils se trompent. Lourdement.

    Je suis né en prison. Dans une vieille cage en bambou, quelque part à Kediri, dans l’île de Java. Pas loin d’une forêt d’où venaient des odeurs de cacao, café et tabac.

    J’ai été vendu au marché aux oiseaux. Donné en cadeau d’anniversaire à une jeune écolière aux yeux rieurs. Emily.

    Je me souviens de ses premiers mots. Puisqu’il n’a pas de nom je vais l’appeler Bird. Little Bird. Et un jour il chantera. Je suis certaine qu’un jour il chantera. Je vais lui apprendre.

    Depuis, il n’y a pas un seul jour où je n’ai pas entendu la voix d’Emily. Tous les matins elle vient me saluer. Et de sa voix suave me demande : Tu as bien dormi Little Bird?… Et elle me sourit. Puis elle s’en va. Joyeuse, en criant : Je t’aime Little Bird.

    Et moi je reste seul. En attendant son retour de l’école.

    Un jour, à la veille du printemps, Emily m’a regardé comme elle ne l’avait jamais fait. Elle a ensuite ouvert très doucement la porte de ma cage en bambou et je l’ai entendue murmurer : Je vais t’apprendre à voler Little Bird. Tu es né pour voler. Pas pour vivre enfermé dans une cage.

    Les premiers battements d’ailes ont été gauches et maladroits. Emily a beaucoup ri. Pas d’un rire moqueur, mais celui d’un enfant joyeux… On va y arriver Little Bird… Essaie encore, disait-elle, comme si elle pouvait voler aussi.

    Depuis, la porte de ma cage ne s’est plus jamais renfermée. Je vole dans l’univers de sa chambre, que je connais désormais par cœur. Dans le mystère de chaque coin. Dans le moindre de ses secrets. Dans la tristesse vide de son absence.

    Puis, pendant qu’elle lit, je viens auprès d’elle et je chante. Je lui chante mon bonheur. Et je l’entends : Moi aussi je t’aime beaucoup, Little Bird.

    Et cela me rend heureux. Tellement heureux.

    Mais je sais que peu de gens peuvent le croire. Les gens n’aiment croire que les histoires qu’ils peuvent comprendre.

    Comment by Armando — 6 novembre 2023 @ 7:13

  2. Toujours, elle se rend à l’école avec sur la tête un haut chapeau. Bien trop haut pour son visage d’enfant. Jamais un bonnet, non. Et si en classe elle se défait de sa pèlerine, de son écharpe, de ses moufles, de son manteau, toujours elle garde le chapeau. Bien sûr l’automne est déjà froid, et l’hiver s’annonce. Mais le local est bien chauffé grâce à un poêle à bois dont les bûches crépitent de joie.
    Autour d’elle, les enfants chuchotent. Que cache-telle sous ce grand couvre-chef? Un problème capillaire? Au vu des quelques charmantes boucles brunes s’échappant de sa coiffe, cela ne semble pas. L’institutrice aussi la regarde curieusement. Mais elle ne dit rien. A-t-elle une petite idée sur la chose?
    Il est vrai que la petite fille n’a commencé les cours que mi-octobre. Ses parents viennent d’une autre ville et se sont installés récemment dans la région. Elle est très appliquée, et a rejoint bien vite le niveau des autres. On pourrait rire d’elle, de sa différence. Mais elle tient comme par mystère à distance toute ironie et toute méchanceté. On la respecte. Elle a quelque chose qui, incompréhensiblement, désarme.
    Un étrange fil rouge lui pend dans le cou, qui lui aussi attire la curiosité. Et voilà qu’un jour l’inattendu se produit, comme le dit son nom, sans crier gare: en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, pendant le temps de la récréation, un gamin a tiré sur le ruban. Aussitôt, un gazouillement s’est fait entendre, au même moment qu’un certain fracas. Un mouvement aérien vers le haut, et un plus pesant vers le sol.
    Certains enfants prétendent avoir vu un oiseau s’envoler de la chevelure de leur compagne. D’autres ont vu des livres colorés tomber, épars, sur le sol. Dont l’un avec pour marque page une cordelette rouge. D’autres encore, bénis des dieux peut-être, ont vu le tout. Certains n’ont rien vu. Mais tous se sont alors tournés médusés soit l’un vers l’autre, soit vers la maîtresse, qui depuis la porte de la classe a observé la scène en silence. Quand ils regardent à nouveau vers l’endroit de la cour ou se trouvait la petite fille, une fraction de seconde s’est écoulée. Et plus rien n’est visible de ce qui vient de se passer.
    La petite fille n’est jamais revenue à l’école. Et on ne retrouve nulle trace de ses parents. Seule l’institutrice, toujours silencieuse, semble avoir une petite idée de la chose. Même si elle répond invariablement aux questions qu’elle ne sait rien et n’a pas d’explication de ce phénomène. Mais en réalité, c’est comme si elle n’était pas vraiment très étonnée.
    Quelque temps plus tard, elle apporte à l’école une très jolie armoire miniature en bois ouvragé contenant quelques livres aux couvertures de couleurs. Et un oiseau. Qui n’a reçu une cage que pour se poser, vu que la porte en reste en permanence ouverte. Si on regarde bien, à l’intérieur de la cage, un petit cordon rouge est accroché.

    Comment by anémone — 10 novembre 2023 @ 17:23

Flux RSS des commentaires de cet article. TrackBack URI

Laisser un commentaire