En vos mots 862

Alors que je viens à l’instant de valider les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, il est temps de vous offrir une nouvelle toile afin de clôturer le mois en beauté.
C’est sur cette lectrice peinte par Leo Wang que mon choix s’est arrêté. Comme aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, vous avez plus que le temps de l’examiner sous tous les angles avant d’écrire la moindre ligne. Et même de lire les textes déposés sur l’aquarelle de dimanche dernier.
C’est avec plaisir que nous vous lirons dans sept jours et pas avant. D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
D’où je me trouvais je ne la voyais que de dos. Bercé par Chopin, j’étais hypnotisé par ses épaules. Charnues et droites. Laissant deviner une peau douce et gourmande.
À un moment, je me suis mis à rêver que mes lèvres pourraient s’y poser, avec la délicatesse d’une abeille lorsqu’elle butine. J’ai imaginé le frisson de sa peau parfumée.
Et pour accompagner des pensées si douces, quoi de mieux que quelques notes de Chopin. Jouées dans l’indifférence de ce restaurant chic et branché, où quelques vieux riches viennent s’évader de l’ennui de leurs épouses dans les rires forcés de jeunes callgirls, chères payées pour simuler des orgasmes qu’elles n’auront jamais. Que de pauvres types.
Alors que moi je suis seul. Miteux. Perdu dans mes pensées. Avec mon piano. Et Chopin.
Certain que personne ne m’écoute. Ils ne s’aperçoivent même pas de ma présence. Chimérique, je joue pour meubler leur vide. D’ailleurs je ne suis payé que pour ça. Être inexistant et jouer. Rien d’autre. Et c’est ce que je fais.
Dieu que ses épaules m’obsèdent. Elle doit être aussi belle que dans mes rêves. Je ferme les yeux. Le temps d’imaginer mes lèvres sur sa peau. Avec une douceur d’amoureux nonchalant. Juste quelques secondes, volées à la solitude triste d’un pianiste anonyme et effacé.
Et voilà une noire à la place d’une blanche. La fausse note dans une mélodie où il ne devrait jamais y avoir la moindre. À peine perceptible. Heureusement. Seule une fine oreille aurait pu la déceler. Les bavardages et les rires planent toujours. Inutiles.
Soudainement elle se retourne. Et me dévisage. Souriante.
Comment by Armando — 30 octobre 2023 @ 0:43
Je me souviens de tout. Comme si c’était aujourd’hui. Le ciel d’automne. Les promenades sans avenir. Les rues chouchoutées de silences enlacés par les mystères d’une nuit sans lune.
Ce café-bistrot, comme un tableau de Edward Hopper, ouvert jusqu’aux aurores, fréquenté par des âmes solitaires. Mal rasées et les yeux rougis par l’absence de sommeil.
Et ce nectar, extrait des fleurs d’hibiscus avec sa teinte rosée. Un gin joyeux et rafraîchissant.
La mémoire de mes silences garde le souvenir de ces heures imprévues. Tendres et douces. Volées à une existence monotone. Qui ne font que s’embellir, au fil du temps. Sans que je puisse dire pourquoi. Ou peut-être, parce qu’au fond de moi je sais que je n »en vivrai plus jamais d’autres aussi belles. Et que même si on pouvait les revivre, elles ne seraient plus aussi belles que cette nuit-là.
Puisqu’on ne donne jamais deux fois le même baiser.
Comment by A. — 30 octobre 2023 @ 14:39
Elle regarde ses albums photos. Elle en prend le temps. Et ses cartes postales.
A côté des photos, elle a souvent écrit un commentaire.
Entre les photos, elle a parfois glissé un prospectus, un billet d’entrée, un ticket de métro ou de bus.
Elle contemple les photos de vacances, mais aussi les photos de famille. Celles de ses parents, de ses grands-parents, et aïeux qu’elle n’a pas connus. Elle consulte l’arbre généalogique qu’une parente éloignée a fait réaliser. Mais il y manque des branches. Et elle ne dispose pas d’infos pour le côté paternel.
Elle referme les albums. Avec le désir d’en recomposer elle-même.
Les dossiers numériques que l’on confectionne maintenant (et elle n’en a jamais l’envie ni la patience) n’ont pas le même charme, c’est sûr.
Comment by anémone — 3 novembre 2023 @ 8:33