En vos mots 853
Alors que je viens tout juste de valider les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, que je vous invite à lire et même à commenter si vous le souhaitez, il est temps de vous proposer une nouvelle image à faire vivre à votre façon.
Mon choix s’est arrêté sur une illustration d’Elena Ferrándiz, pour laquelle j’ai eu un véritable coup de foudre. En sera-t-il de même pour vous? C’est ce que nous saurons dans sept jours, et pas avant, au moment de la validation des textes reçus.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Le dimanche en était encore au café du matin quand elle est entrée au Chaton Bouquineur.
Moi, je m’attardais à feuilleter un vieux bouquin qui racontait des histoires de marins, de vagabonds et de voleurs.
Je lui ai deviné un sourire moqueur.
– Vous travaillez ici?… Pouvez-vous m’indiquer où je peux trouver les romans d’Hubert Aquin?…
– C’est un écrivain je suppose, ai-je dit sans réfléchir. Je dois consulter l’ordinateur.
– Surtout ne cherchez pas dans l’entretien des roses ni dans le courrier du cœur.
– Si vous le dites… Aquin… Aquin… c’est comme chercher un chat noir dans une nuit obscure.
– Avec une lampe de poche éclairant dans la bonne direction, cela devrait être faisable.
– Malheureusement, mademoiselle, je n’ai pas de lampe de poche.
– Oui, j’ai en effet remarqué que vous manquez dramatiquement de lumière…
– Vous trouvez?… Il y a des millions d’écrivains. Si vous pensez que j’ai une baguette magique…
– Pas de lampe de poche… pas de baguette magique… et pas de boussole non plus, je suppose.
– Pourquoi une boussole?…
– Vous savez, pour les marins, les aventuriers, et tout ça, une boussole peut être utile.
– Tiens.. voilà… Eh ben, dites donc… C’est du lourd votre Hubert Aquin… Il n’a pas fait que dans le roman, il y a du cinéma et tout. Il vous ferait plaisir d’avoir quoi?…
– Une baguette magique…
– Les baguettes magiques n’existent que dans les contes pour enfants. Tout comme les fées, les sorcières et autres enfantillages du même acabit…
– Vous croyez ?…
– Mais enfin, mademoiselle… que je me transforme en chat noir, comme Adrien dans Miraculous, si c’est vrai.
Il me semble l’avoir entendu murmurer: Ne me tentez pas, jeune homme. Ne me tentez pas…
Après? Je ne me souviens plus de rien. Black out, comme disent les Anglais pour dire coupure totale.
Il est étrange que ce matin, à mon réveil, je l’entende dire au téléphone: Pour le chat noir?… C’est une longue histoire Christine… Figure-toi que je suis entré dans une librairie pour acheter un roman de Hubert Aquin, Trou de mémoire… Il y avait un drôle de zozo, idiot comme un balai… qui me tapait sur les nerfs. Je te laisse deviner la suite…
Rires.
Comment by Armando — 30 août 2023 @ 23:00
Lire dans la cour ou le jardin, quand le soleil bien présent n’est pas non plus trop fort et caresse doucement ma peau. Un chat à proximité, des papillons qui volent et se meuvent pareillement dans mon coeur. L’ombre des plantes danse en volutes sur mon livre. Comme je les ai souvent photographiées. Les parfums alentour magnifient ma lecture. La transfigurent. Mes ailes se réveillent, tandis que mon corps épouse pleinement le sol. Il pèse et s’y enfonce, alors qu’en même temps, tout en moi devient prodigieusement aérien, joyeux, pétillant. Magnifiquement léger et vivant.
Comment by anémone — 31 août 2023 @ 3:12
J’aurais juré par Bastet que ma paisible cohabitation avec Apollinaire était faite pour durer sans ombrage. Et à vrai dire, depuis des années qu’il me semblait qu’on était faits l’un pour l’autre. Et qu’on se suffisait.
Lui, trop fier pour quémander une caresse, venait au gré de ses envies se frotter contre moi. Parfois, jaloux de mes silences, il venait s’asseoir, sa queue sur ma feuille blanche, comme avec une envie de m’empêcher d’écrire. Puisqu’il y des beautés qui excèdent le vocabulaire, et que les chats appartiennent à cet ordre, comme l’aurait dit Louis Nucéra.
Apollinaire aimait se promener parmi les livres, avec une souplesse et une élégance rares. Le dandysme de ceux qui ont l’air de caresser les choses sans jamais les toucher vraiment.
À l’aube, j’ouvrais grand la fenêtre de mon bureau. Apollinaire venait s’asseoir à mes côtés. On contemplait, seuls, la lueur naissante caresser les eaux presque immobiles du Tage et puis il s’en allait, faire sa promenade. Se dégourdir les pattes et revenir quelques instants plus tard boire son lait, pendant que je savourais mon bol de café. J’ai toujours aimé boire mon café du matin dans un bol. Pour ne pas oublier le goût de l’enfance, lorsque qu’en rêvant, je suivais du regard les silences que le vent emportait vers un ailleurs sûrement plus doux que celui que j’avais.
Et tout allait bien jusqu’à il y a quelques semaines, lorsqu’une poupée, avec des airs fins et la grâce d’une déesse égyptienne, vienne habiter l’immeuble et fredonner des bouts de chansons des heures durant, au gré de ses lectures.
Il me semble qu’Apollinaire est tombé amoureux de son parfum. Il est impatient de me quitter de bon matin. Et il s’en va, comme un jeune soupirant, passer ses journées à lui tenir compagnie.
Tandis que moi, je les regarde complices et heureux, son bol de lait demeurant intact, avec mon bol de café entre les mains. Comme dans mon enfance. Seul. Sans s.
Comment by A. — 2 septembre 2023 @ 5:38