En vos mots 3
Troisième dimanche. Temps de lire les textes inspirés par la toile de dimanche dernier ?
Temps pour une nouvelle toile ? Temps pour un lecteur ?
La toile de Nicolai Fechin est à vous, à vos mots, à vos histoires, à ce que vous « lirez » dans le tableau.
« Étonnez-moi! » comme a un jour dit le chorégraphe Diaghilev à Jean Cocteau.
EMERVEILLANCE
Le lecteur ébloui contemple
Les chorégraphies sauvages et éphèmères
Que son analphabétisme
L’empêche de comprendre
Pour la plus grande satisfaction
Du bien-être qui règne en son sein
Carré dissolu et cercle épuré
Il rayonne de grâce harmonieuse
Laissant la romance outrancière
Aux aventurières OGM de son rêve
Comment by gmc — 29 avril 2007 @ 11:24
SEUL DANS SON MONDE
C’est le premier dimanche de mai. L’air sent le lilas rose. Le soleil irradie la grande terrasse qui fait face à la Volga. Monsieur Alexandrovitch est assis à l’ombre des arbustes en fleurs. Il attend sa fille. Elle lui rend visite une fois par semaine, toujours le même jour, toujours à la même heure.
On lui a mis une casquette sur la tête et un journal entre les mains. D’un geste si souvent répété, il tourne machinalement les pages et jette un regard troublé sur le papier. Il le tapote, le froisse et le déchire.
Elle arrive. Elle avance doucement vers lui. Elle s’accroupit afin qu’il puisse bien distinguer son visage. Elle le salue timidement tout en douceur. Il regarde la fille. Il ne la reconnaît plus.
Flairjoy
Comment by Flairjoy — 30 avril 2007 @ 9:06
Comme il est bien installé ce grand-père dans son fauteuil de jardin prenant appui sur la table avec son bras car ainsi, il se fatigue moins à tenir la lettre à plusieurs feuillets.
Dès réception de ce courrier, il est venu s’asseoir là, sa place préférée près des iris. Là, il se sent bien avec au loin, le lac. Il fait un temps magnifique et son jardin sent bon l’été.
Tout est paisible.
Il va prendre tout son temps pour lire cette lettre car il a reconnu l’écriture de sa petite-fille, à chaque fois, c’est un régal. Quelle joie mais au fond de lui, il aurait souhaité plus de pages car les nouvelles de sa petite-fille sont précieuses tellement précieuses qu’il tient ces feuillets des deux mains, comme un cadeau.
Elle lui annonce sa prochaine venue pour les vacances, lui parle de son travail en ville, de ses occupations, du stress et qu’elle a hâte de le voir pour qu’il la prenne dans ses bras, hâte aussi de partager de merveilleux moments avec lui durant ces vacances qui passent toujours trop vite. Elle a encore tant à raconter à son grand-père, toujours à l’écoute. Il est exceptionnel.
Sa lecture terminée, le grand-père se dit, ce n’est que du bonheur.
Comment by Denise — 30 avril 2007 @ 10:44
Entre deux moments de peinture et bien trop de vin ,le vieux Cézanne se repose avec de la lecture.Des amis, ça fait longtemps qu’il n’éssaye plus d’en avoir. Il préfaire l’honnêteté des mots écrits. C’est eux ,ces amis.Ils ont une sensibilité pareil aux couleurs : quand on les mélange ,ils forment une histoire,… rîche ou simple, belle ou laide ,ils font rêver ou pleurer ,ils touchent ou laissent indifférent mais ils sont dôtés d’une pudeur que nulle être humain pourrait égaler. Cézanne sait ça, il se moque qu’on le traite de caractériel.Les mots dansent dans sa tête vers ses doigts….ça y est ; il se lêve ,empli d’une autre image…..une toile vient de nâitre
Comment by cath — 30 avril 2007 @ 18:58
Cher Vladimir,
Je viens vers vous avec de bonnes nouvelles, enfin ! Votre manuscrit a été lu et il a beaucoup plu. J’ai obtenu de qui vous savez l’assurance de le faire publier tantôt. A la NRF, Vladimir, la NRF ! Savez-vous ce que cela représente ? Très prochainement, m’a-t-on promis.
Encore faut-il retravailler un peu le livret et… le style qui, comment dire…contient certes d’inépuisables ressources, une fraîcheur, une spontanéité toutes provinciales, mais… Tout ce foin, toute cette campagne !
On renâcle ici devant des nuances si délicates. Pour ne rien vous cacher, on m’a même reproché quelques tournures. Des broutilles, rassurez-vous ! Trois ou quatre chapitres, cinq tout au plus si l’on excepte le dernier. Volontiers présenté comme alambiqué, tortueux voire… confus. Allez au plus simple, Vladimir, allez au plus simple ! Et de grâce, soignez l’intrigue ! Cette histoire d’Office notarial… cela manque de sel, singulièrement, ne trouvez-vous pas ? Quant il suffirait de si peu pour rendre l’ensemble tellement plus vivant, tellement plus…
En vérité je vous le dis, Vladimir, il vous faut reprendre la plume. Une dernière fois. Ne ménagez pas votre peine. Courage Vladimir, courage !
Que sont cinq malheureuses semaines de travail en regard de la célébrité qui vous attend ? Hé, quoi ! Vous n’en êtes qu’à la troisième mouture… Pensiez-vous devenir écrivain à si peu de frais ?
Un effort Vladimir ! Un ultime effort, nous y sommes.
PS : Jetez votre béret au feu. Brûlez votre chemise. Rasez cette barbe de vieil ermite. Peignez vos orteils en bleu. Que sais-je… mangez des crevettes ! mais…
Etonnez-moi ! (pensez à Cocteau et son chorégraphe), REVEILLEZ-MOI ! BOUSCULEZ-MOI !
PPS : Cocteau (encore lui) : « Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité ». Soyez cela ! Un mensonge qui dit la vérité…
Bien amicalement,
Votre cher, votre très dévoué,
Laly
Comment by Vesuvio — 1 mai 2007 @ 5:44
Il la relis encore une fois. De la pièce où sa femme est ses enfants sont réunis, il est parti dans le jardin. Pour être plus au calme…pour ne rien laisser paraître de ses émotions. Oui, c’est un homme un peu bourru, pas méchant, mais il ne sait pas faire l’étalage de ses sentiments. Quelques fois pris au dépourvu, il arrive à esquisser trois petits mots à sa femme « Je t’aime » mais pour ses enfants, c’est plus difficile. Il est toujours présent, chaleureux et attentionné: la question n’est pas là. Il ne sait pas leur dire son amour pour eux. Alors voilà, la lettre tant attendue de ce fils parti à l’étranger (et qui avait attendu la dernière once de patience de ses parents pour écrire) est arrivée ce matin. L’homme a laissé sa femme la lire à voix haute pour tous les deux avant l’arrivée du reste de la famille. Sa femme l’a même relue devant les autres enfants (frères et soeurs de l’aventurier). Mais maintenant le vieil homme a besoin de s’isoler et de reprendre la lecture, mot à mot, de ce fils qui s’échappe, du cocon faimiliale et des contrées connues. Que va-til lui arriver là-bas, à suivre comme cela les nomades? Aurait-il fallu qu’il lui dise son affection plus qu’aux autres enfants (présents géographiquement et plus souvent à la maison)? Il en est sûr et se désespère de ne pas pouvoir lui écrire en retour: où? Dans quel pays est-il? Avec qui?
Il a bien fait de s’isoler un peu: une larme coule sur sa joue…sa femme, par la fenêtre, l’a vue…mais n’en dira rien.
Comment by VanessaV — 2 mai 2007 @ 14:48
Il était toujours très matinal. Une habitude que lui venait de ses jeunes années. Il aimait bien voir le jour se lever et ses promener dans son jardin et assister à l’éveil des fleurs, encore perlées du froid de la nuit. Il avait pris l’habitude de parler à son chien Jacob. Il lui parlait d’une voix si douce et si apaisante qu’on croyait parfois qu’il parlait à un de ses semblables. Il y avait comme un air de vieux couple complice entre eux. En les regardant bien, on se demandait lequel des deux était l’heureux compagnon de l’autre.
Au bout d’une heure et demie de promenade et de palabres, il venait s’asseoir sur la véranda, où il prenait tranquillement son petit déjeuner en lisant son courrier d’abord et puis son journal. Son ami se couchait à ses pieds et restait aussi silencieux que son maître. On entendait vaguement le bruit sourd de la dame de compagnie dans ses travaux domestiques et puis le chantonnement joyeux et irrespectueux de la nature, que le vieil homme semblait apprécier aussi qu’une douce musique.
Ce matin-là, la première page du journal annonçait, en tout largeur, que les Etats-Unis venaient d’acheter l’Alaska pour un peu plus de 7 millions de dollars. Une photo d’un certain William Seward, secrétaire d’état américain, remplissait la une de son sourire conquérant.
Le vieil homme lisait son article l’air sombre. Attristé. Mais sans exprimer un mot. Il semblerait que les Etats-Unis n’ayant pas la totalité de l’argent avaient du emprunter une partie de la somme à la Riggs Bank.
Les américains bien qu’heureux de l’achat de l’Alaska, avaient un goût amer de ne pas avoir pu faire la même chose avec le Groenland, l’Islande et le Canada.
Ce matin-là, on raconte qu’on aurait entendu le vieil homme murmurer à son chien qu’un morceau de la Russie avait été rattaché à l’Oregon et qu’il était perdu à jamais. Et que d’une voix toujours douce et apaisante il lui disait que l’Alaska allait devenir la terre d’aventuriers avides de nouvelles richesses, de gibier à fourrure et plus particulièrement de celle des phoques. Il lui parlait longuement du massacre massif de tous ces animaux.
Puis, ce matin-là, le vieil homme a raconté a son chien qu’il s’inquiétait pour le sort des Indiens et des Inuits et des autochtones laissés sans défense aux mains de tous ces aventuriers blancs sans loi qui viendraient d’abord les spolier de leurs terres, de leurs biens et puis, plus tard, ce serait la mort des langues autochtones et de la langue et des cultures russes.
Puis, le vieil homme a fait un énorme silence. Comme s’il ne trouvait plus rien a dire.
Jacob, inquièt, a redressé ses deux oreilles. Il n’avait jamais entendu pleurer son maitre …
Comment by Armando — 2 mai 2007 @ 21:16
Rien ne lui fait plus plaisir, dès que les beaux jours sont là de s’installer au jardin pour lire le petit journal local qu’il reçoit une fois par semaine. Ce journal ne comporte que quatre feuilles, mais il retrouve dans ces lignes toute la vie de sa région. Il peut ainsi connaître les dernières péripéties du Conseil Municipal auquel il a longtemps participé en tant que premier adjoint. Bien qu’il soit retiré il tient à savoir ce qui se passe au niveau de sa commune et il lui arrive encore de réagir à certaines décisions du jeune maire et d’ailleurs il ne se gêne pas pour aller lui dire en face ce qu’il pense. Il est vrai qu’il est connu pour son caractère entier, heureusement compensé par une bonté à toute épreuve qui en a fait un personnage important de son village. Il peut aussi prendre connaissance des avis de décès, lesquels hélas concernent de plus en plus sa génération et il ne se passe pas de mois sans qu’il ne perde un ami plus ou moins lointain. Pendant un moment il se laisse aller à la nostalgie, mais il se reprend très vite et passe aux naissances, aux mariages. Bon il n’y en a pas beaucoup, sa douce campagne s’est dépeuplée ces dernières années. Les jeunes ne veulent plus reprendre la ferme de leurs parents et émigrent vers la ville où ils espèrent trouver une vie moins dure. D’ailleurs ses enfants ont fait la même chose et il se retrouve seul avec son épouse dans cette grande maison au passé chargé de tant de souvenirs.
A la fin de sa lecture, immuablement il repliera son journal minutieusement et le posera pardessus les précédents numéros entassés dans le petit vestibule.
Comment by motpassant — 4 mai 2007 @ 5:40
Il se rappelle ce temps ou ses cheveux étaient long
Il se rappelle ce temps ou il aimait son corps
Il lit pour la millième fois cette lettre qu’il ne croyait pas
Il lit pour la millième fois ce cadeau du Ciel
Cette lettre où une femme lui déclarait son Amour
Cette lettre qui lui fallu lire et relire
Il se souvient de ce rêve éveillé
Il se souvient de son Bonheur
Il revoit cette Femme qui l’a ramené à la Vie
Il revit cette première Nuit d’Amour
Mais maintenant, il ne sait plus
Mais maintenant, il doute
Alors, il relit cette lettre
Alors, il se rappelle ce temps où …
Comment by Jean-Marc — 4 mai 2007 @ 16:20
Qu’il est bon de pouvoir se reposer à l’ombre des oliviers avec tout le parfum de lavande ou se mélangent souvenirs et tendresse sur ce visage travaillé par le temps des ans. Là immobile prendre ce courrier , que son fils parti à la ville lui a envoyé. Il y a si longtemps. Ses mains rocailleuse tiennent ce bout de lettre que le vieil homme attendait patiemment d’ouvrir un jour comme celui-ci. Même le chant des oiseaux n’arrive pas à lui tirer le regard ,vers ce ciel magnifique d’un bleu azur.
Comment by carine — 6 mai 2007 @ 4:31
Deux rayons de soleil traversent les textes nostalgiques de ce dimanche .Denise et Cath, vous avez écarté pour un moment mon rideau de tristesse. Avec les autres, j’ai communié à votre touchante mélancolie.
Merci à tous et merci à Lali d’être aussi généreuse!
Flairjoy
Comment by Flairjoy — 6 mai 2007 @ 9:13
Comme il est bon Lali de pouvoir, chaque dimanche, lire tous ces beaux billets concernant la toile. Chacun raconte ce qu’il ressent avec son coeur. Merci Lali de nous faire ce cadeau.
Flairjoy, si mon billet comme celui de Cath a pu écarter pour un moment votre rideau de tristesse, cela me touche. J’espère de tout coeur que ce rideau reste ouvert afin de laisser entrer les rayons du soleil.
Merci à tous pour ce doux moment et merci Flairjoy.
Bien amicalement
Comment by Denise — 6 mai 2007 @ 15:55