En vos mots 253
Chaque fois que vient l’heure d’accrocher une nouvelle toile, je suis souvent hésitante. Celle-ci? Ou plutôt celle-là? Laquelle est la plus inspirante? Et puis, je cesse de tergiverser. Je reviens à la toile de départ, à celle qui avait d’abord capté mon regard. À cette lectrice peinte par David Molesky. Seule au monde ou croyant l’être, ne sachant pas que vous la regardez et que vous allez la raconter en vos mots. Avec tendresse. Avec humour. Avec un peu des deux.
Mais ne précipitons pas les choses. Laissez la lectrice du jour vous chuchoter ses secrets. Ce n’est que dans sept jours que les commentaires seront validés.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous!
Comme elle se sent petite devant l’immensité. Et en même temps si grande.
Il lui semble que, grâce aux rochers, sa modeste personne se prolonge.
Que sa jupe se dirige vers l’océan, légère, et non plus de lourde étoffe noire.
Elle en contemple les plis en silence.
Et voilà que la roche dure se transforme. En mousseline, en robe d’apparat, en parure.
Tout entière elle appartient à la mer.
Mais elle a cet avantage sur les sirènes: si elle le veut, elle peut danser, les jambes libres sur la terre ferme.
Tout son être est liquide, et à la fois minéral.
Son vêtement de calcaire et de silice n’a rien d’un cilice, la rend coquillage.
Des volutes solides émerge à peine, délicat et salé d’embruns, son visage.
L’éternité se lit sur son sourire, et n’a jamais été si proche du présent.
Ici et maintenant, elle peut enfin vivre.
Immergée dans l’eau. Et dans les pages du livre.
Comment by Anémone — 12 février 2012 @ 9:51
Il me vient, dans le ciel de mes souvenirs, des sourires heureux. Comme des cerfs-volants coloriés dans un ciel d’été.
J’entends le bruit de la mer. Je pense a Solène et à l’insouciance de ses quatorze ans, puis à Théo qui ressemble déjà tant à Marc, malgré qu’il ne soit pas encore tout à fait un homme.
Je pense qu’il n’y a de pas de femme plus heureuse et plus comblée que moi sur cette terre. Deux magnifiques enfants et un compagnon qui m’aiment. Comme on peut aimer. Et moi qui les aime tant. D’ailleurs il faut que je pense à demander Marc en mariage. Puisqu’il n’en trouve pas le besoin. Moi si. Je pense qu’il va être surpris. Surtout que j’ai toujours été contre ce foutu mariage. Mais là. J’ai changé d’avis.
Papa va encore se moquer de moi. Mon doux et tendre papa. Mon amour. Mon royaume. Je pense qu’il n’y pas de meilleur père sur terre. C’est lui qui m’a donné le gout de venir écouter la mer. Quand j’étais petite, il m’emmenait ici et je l’entends encore me dire, solennel, Solange, venir ici écouter le chant de la mer efface tous tes soucis et cela t’aide à voir la vie autrement.
Et c’est vrai. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là. À penser à tous ces bonheurs que j’ai connus et dont je savoure tout le goût. Maintenant.
Et je pense à tous ceux que j’aime tant, et qui mènent une vie si heureuse et si insouciante.
Et je redoute cet instant où je sais que leur vie va basculer. Dès que je prononcerai le mot cancer.
Comment by Armando — 14 février 2012 @ 5:43
LE ROCHER
La lectrice blottie au creux des roches chaudes
Voyait à l’horizon le soleil se noyer
Le ciel allongeait ses longues traînées rougeaudes
La mer tendait les bras jusqu’à toucher ses pieds
Dans le rocher stérile, l’eau découpait ses rides
Laissant des marres stagnantes de désirs oubliés
Chaque jour plus profondes, chaque nuit plus avides
Rêvant de retourner dans les vagues agitées
Puis la brise du soir poussait la lune ronde
Dans les amas d’étoiles où parfois des filantes
Se détachaient du lot et s’éloignaient du monde
Pour rejoindre le soleil dans l’abysse dormante
Flairjoy
Comment by Flairjoy — 14 février 2012 @ 18:30
Ce qu’elle aime le plus à St Ives, ce sont ces heures de solitude où elle renoue avec les mots. Ceux des autres, ceux de la famille -tout le monde écrit ou peint, chez elle- les siens. Ceux de hier, ceux d’aujourd’hui, ceux de demain. L’odeur fraîche de l’encre d’imprimerie. Le crissement du papier.
Elle se sent chez elle dans ce paysage, il contient toute sa vie: les vacances, l’Angleterre, sa mère, la lumière, les couleurs que Vanessa chérit, l’ombre du vent, la chair du temps, l’éclat de l’instant. Elle oublie les frères trop bruyants, les mille sollicitations qui leur dérobent parfois leur mère, les distractions de son père et l’innocence de sa jolie demi-soeur.
Dans ses livres préférés, il y a des gens comme eux, d’autres jeunes filles anglaises, des aînées en puissance d’époux, comme Stella, des soeurs qui s’adorent, des cottages à la cheminée toussotante, des landes sauvages, et des heures de gourmandise à l’heure du thé. Elle s’émerveille de ces talents si divers, Eliot, Burney, Austen -sa préférée- et Brontë… Dans leur parole, il y a le calme des presbytères, mais la sauvagerie des caractères, les heures qu’égrènent les pendules, les meubles Queen Anne, les moulins et les biefs, le sifflement des trains, la campagne et la chasse, tout un univers dont décrypter la densité, les sons et les couleurs…
C’est merveille de boire tout cela, environnée du souffle de la mer et de la minéralité du roc. C’est la vie et plus tard, oui, plus tard, peut-être qu’elle arrivera, elle aussi, à restituer Saint-Ives et à symboliser, dans une simple promenade vers le phare, les heures les plus magiques de son enfance anglaise.
Comment by Pivoine — 18 février 2012 @ 12:44
QUAND DIEU A INVENTÉ LA LITTÉRATURE
Quand Dieu a inventé
La littérature,
Il y avait
Une jolie petite femme
Bien installée,
Bien au chaud,
En train de lire
Dans sa paume.
Comment by joye — 19 février 2012 @ 4:54