En vos mots 233
Dimanche 8 heures, heure de Montréal, au pays de Lali, cela signifie bien évidemment l’accrochage d’une nouvelle toile qui sera offerte à vos mots.
Faire vivre une toile, prêter vie à ses personnages, imaginer une scène, voilà ce que vous faites depuis plus de 200 semaines, juste pour le plaisir de le faire et de partager avec nous vos écrits.
Puisse la toile de l’artiste tchèque Karel Šimůnek, connu notamment pour les affiches qu’il a réalisées pour le théâtre, vous inspirer.
À dans sept jours pour la suite, alors que tous vos commentaires seront validés d’un coup.
Mon amour,
Me revoilà revenu à Lisbonne. Ou mieux, dans la nostalgique et douce Lisbonne. J’arpente les rues étroites qui me mènent vers le mirador de Notre-Dame de la Gloire en me laissant bercer par la nonchalance de la ville.
Je suis passé tout à l’heure la petite place de la Fontaine, celle où des vieux passent les après-midis en jouant aux cartes et en se racontant leur jeunesse embellie par les mensonges de l’âge. De toute manière, quelle importance puisque personne ne les écoute plus vraiment. Même pas les pigeons qui viennent prendre les quelques graines de maïs qu’ils jettent sur la pelouse. Pour passer le temps. J’aime bien cette petite place. Elle me ramène toujours à ton regard tendre et à la douceur de tes lèvres.
Tu sais, en montant cette rue en pente qui mène au mirador, d’une fenêtre ouverte s’envolait le langoureux Almost Blue de Chet Baker. Souviens-toi. Cet air sur lequel nous avons dansé la dernière fois. Après que nous nous soyons aimés et que tu m’aies dit « j’ai envie de danser ».
Je n’avais jamais connu personne qui ait envie de faire quelques pas de danse après l’amour.
Entendre Almost Blue sans toi, à l’heure où un soleil fatigué aux couleurs d’automne caresse les murs de la vieille ville, me donne des envies de me blottir contre toi et d’oublier dans la tendresse de tes bras tous les mensonges que la vie mettra encore sur mon chemin.
Le jour s’achève et je regarde cette Lisbonne que j’aime tant d’en haut du mirador. Et je n’entends que le chant de ton cœur. Et je ne vois que le sourire de tes yeux. Et il me vient une envie de t’inviter à danser.
Comment by Armando — 29 septembre 2011 @ 10:00
Ex Libris
Je ne veux pour blason que tes armes familières
ton sourire et ta voix qui guerroient sur mon cœur
Je ne veux pour couronne que l’or de tes cheveux
et tes bouclent où se perdent mes doigts maladroits
Point de rêve héraldique où veillent des griffons
juste tes dentelles, tes rubans et tes soies
Eaux-fortes prodigieuses sur le vélin des jours
qui cisèlent et gravent de singulières joies
Que mes heures défilent, que ma vie se dilue
tu restes ainsi figée, Estampe délicate,
Ex Libris accolée aux pages de ma vie
tendre allégorie sur le pas de mes jours …
Comment by Chris — 1 octobre 2011 @ 10:22
EX LIBRIS
Pauline était amoureuse des livres. À chaque moment de libre, elle lisait. Pendant que les autres filles de la revue fumaient en cachette une cigarette ou avalaient leur petit scotch loin des yeux qui condamnaient, Paulette tournait les pages.
Elle lisait tout : histoire, philo, sciences, torchons…tout, tout, tout, sans distinguer les uns des autres.
Pauline était tout sauf snob, quoi.
On la taquinait, on lui disait qu’elle risquait de devenir bas bleu, mais elle ne nous écoutait pas. Trois secondes après avoir quitté la scène, on pouvait la retrouver immersée dans des pages jaunies comme sa tête frisée.
Nous autres, on s’en fichait pas mal. Si Pauline consacrait tout son temps aux pages, tant mieux, cela faisait moins de concurrence pour ceux qui venaient chaque soir nous attendre à l’entrée des artistes.
Oui, certes, des fois, j’aurais préféré un livre moisi à un de ces vioques pitoyables, mais bon, nous, on n’avait pas trop le choix. Impossible de savoir lequel était vraiment son prince, mais nous étions convaincues, toutes, qu’il arrive un jour ou un autre.
Tiens, je ne sais plus trop ce qu’elle est devenue, la Pauline.
Quelqu’un a dit qu’elle est devenue institutrice, d’autres chuchotaient qu’elle avait pris le voile.
Moi, bon, je pense – non, j’espère – qu’elle est devenue auteure.
Soit cela, soit elle est morte dans un grenier misérable quand sa grande bibliothèque est tombée sur elle, fendant son petit crâne d’un coup inerrablement fatal.
Le sort a toujours le moyen de se venger de nous les femmes, quoi.
Comment by joye — 1 octobre 2011 @ 19:11
Lili de Miromesnil, meneuse de la revue, a rejoint sa loge. Un peu lasse, mais impatiente, car ce soir Jules lui a promis. Ils partent parcourir la Normandie ce dimanche…
Le spectacle est terminée. Les filles de ce cabaret célèbre ont déposé leur tenue de scène. Plumes, paillettes, boas, corset lacé, accessoires, chapeau, guêpière, cuissardes ont retrouvé les cintres de la loge de la costumière. Et tel une envolée de moineaux, elles ont franchi la petite porte arrière de l’établissement pour rejoindre plus loin leurs amoureux.
Mais Lili, Lili de Miromesnil attend, attend toujours Jules. Pour tromper cette attente, Lili a ouvert le livre offert par sa grande soeur : Norma, roman de Daniel Charneux. Conseils de lecture qu’elle a très souvent suivi. Danseuse, bien sûr, meneuse de revue, oui, mais le goût de lire lui a permis d’occuper les pauses entre les différents tableaux du spectacle. Gourmande, dès que Lili le peut, elle reprend le fil du roman en cours.
Jules, Jules que fais-tu ? Lili vient de regarder sa montre, très jolie montre fine et brillante de mille feux, cadeau de Jules. L’impatience est montée d’un cran. Mais un bruit de pas parvient dans les couloirs de la loge. Son petit coeur se met à battre la chamade. C’est lui, c’est lui. Un petit toc à la porte et Jules entre. Son beau Jules ! Jules le directeur du Cabaret.
Allez fillette, tu es prête, on part….
Comment by LOU — 2 octobre 2011 @ 3:38
« A une jeune fille
Vous qui ne savez pas combien l’enfance est belle,
Enfant ! n’enviez point notre âge de douleurs,
Où le coeur tour à tour est esclave et rebelle,
Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs.
Votre âge insouciant est si doux qu’on l’oublie !
Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs,
Comme une voix joyeuse en fuyant affaiblie,
Comme un alcyon sur les mers.
Oh ! ne vous hâtez point de mûrir vos pensées !
Jouissez du matin, jouissez du printemps ;
Vos heures sont des fleurs l’une à l’autre enlacées ;
Ne les effeuillez pas plus vite que le temps.
Laissez venir les ans ! Le destin vous dévoue,
Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié,
A ces maux sans espoir que l’orgueil désavoue,
A ces plaisirs qui font pitié.
Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance
Riez ! n’attristez pas votre front gracieux,
Votre oeil d’azur, miroir de paix et d’innocence,
Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux ! »
Victor HUGO
Comment by Denise — 2 octobre 2011 @ 7:34