Nocturne
Idées nocturnes, qui êtes-vous, qu’êtes-vous?
J’ai pitié de votre nudité timide.
Dommage, je n’ai pas la force de clore
les stores sur la pluie et les fleurs humides.
J’essaye d’écarter les ailes d’un chérubin
du minuscule enfer de la veilleuse.
Une branche de merisier, danseuse aveugle,
entame tristement son dernier acte.
Écrits nocturnes, qu,est-ce qui nous relie?
Vous êtes le discours de la nuit blanche.
Elle passée, vous n’appartenez à personne.
Faut-il vous conserver en sa mémoire?
Le jour aussi est blanc de brume, blanc de nuit.
Et regarder en bas de la falaise revient
à sortir un poignard de son souple fourreau :
tant paraît aiguisé l’argente de ces eaux froides.
La vie diurne est ruse, stratagème
pour rapprocher la nuit. Mais ma crainte grandit :
Et si la veille, dans la combe au-dessus du Ladoga,
le rossignol avait brûlé?
Non, mon Phénix est indemne, il sifflote :
Syllabe, syllabe — tiret, syllabe, tiret — tiret, tiret.
Le pointillé tâtonne, en quête d’un sens obscur,
et l’embarras des mots est plus doux que les mots.
Minuit tout rond. Chaque chose est neuve et fraîche.
Je sors des terres étrangères qui nous sont communes
pour revenir chez moi, dans le nocturne… quoi?
Dans le nocturne de ce qui me plaît.
Bella Akhmadoulina, Histoire de pluie et autres poèmes
*choix de la lectrice d’Assunta Genovesio