Elles étaient quatre
CAUSERIE FÉMININE
AUJOURD’HUI, le salon est plein de jeunes filles
Aux yeux noirs, aux yeux gris, aux yeux bleus, et gentilles
Elles causent très haut de bijoux enchantés;
Elles causent surtout de puérilités.
De cette foule monte un parfum de fleurs mortes,
Tiède et trop fort, formé d’extraits de toutes sortes.
Elles causent, – leurs cœurs ne sont pas indulgents
Et médisent avec plaisir des jeunes gens.
Elles se font des compliments sur leurs toilettes,
Et projettent toujours de nouvelles emplettes,
Et mutuellement se disent des secrets
Que chacune répète à l’autre, une heure après.
Le ton s’élève- On cause- Est-ce qu’on va se battre?
Elles sont bien quatorze ou quinze- Elles sont quatre.
Elles étaient quatre. L’une d’elles était la propre sœur de celui qui a signé ce poème, le grand Albert Lozeau. Les trois autres étaient des amies de la jeune fille.
L’une d’elles s’appelait Marthe. La mère de celle-ci, modiste, louait des chambres à des étudiants venus étudier à Montréal. C’était avant la radio, avant la télévision.
Le soir, dans le grand salon d’Eugénie, sa fille Marthe accompagnait parfois au piano un violoniste. Albert Lozeau y aurait lu des poèmes. Et trois frères venus des cantons de l’Est, qui avaient formé un petit orchestre, se laissaient parfois tenter par ces soirées artistiques quand ils n’avaient pas le nez dans leurs livres.
Marthe a épousé un des frères, le tromboniste pour tout vous dire. C’était en 1925, elle avait 34 ans. Mais elle n’a jamais oublié le poème. Si bien que des décennies plus tard, elle le récitait toujours et que ce fut un des premiers poèmes que sa petite-fille a appris par cœur, du temps où elle s’appelait Cricri et pas encore Lali.
*sur une toile d’Ekaterina Nikiporenko
Merci pour ce beau et touchant partage, Lali !
Comment by chantal — 31 janvier 2009 @ 3:52
Pleins de merveilleux souvenirs pour toi Lali que tu nous offres !
Merci pour ce beau partage !
Comment by Denise — 31 janvier 2009 @ 8:46
Et oui, en sachant que ces quatre filles qui sont sur le tableau ont étées sauvagement tuées … avec leur petit frère malade …
La famille du tzar Romanoff
Comment by voyageur — 14 octobre 2009 @ 5:12