
S’il y avait eu un magasin Ikea en Inde, Ajatashatru Lavash Patel (ça se prononce comme ça s’écrit) n’aurait pas eu à choisir la destination la moins coûteuse à partir de New Delhi pour aller s’acheter le tout nouveau lit à clous spécial fakir offert pour la modique somme de 99 euros, lequel est fourni avec les 15 000 clous de son matelas.
Mais il n’y a pas de magasin en Inde. Et Patel (faisons court) est donc parti pour Paris, avec pour tout bien un faux billet de 100 euros qu’il utilise pour payer sa course de Roissy à la succursale parisienne d’Ikea la plus loin de l’aéroport avant de reprendre son « bien ». En effet, il en a besoin pour l’achat de son lit clouté.
Or, celui que certains appellent Lavash est loin d’être au bout de ses peines. L’article n’est plus en promotion. Il coûte maintenant près de 116 euros et il n’y en a plus en magasin. Mais, pas de problème, le fakir aura son lit demain matin dès 10 heures. Demain? Demain!
Et de fil en aiguille, tout ça pour une poignée de clous et une planche, Ajatashatru est confronté à des aventures qu’il n’aurait même pas pu imaginer dans ses pires cauchemars. À dire vrai, avaler des sabres (pas truqués, ce qu’il n’a pas l’habitude de faire) serait presque doux si on compare cette expérience à celle qu’il est en train de vivre.
Le fakir a droit à une traversée de l’Europe qui est loin d’être de tout repos et qui l’éloigne de plus en plus de son lit tant désiré. Pour notre plus grand plaisir. Car Romain Puértolas a un talent fou de conteur et manie les situations comme les mots avec un sens inné de la dérision, voire du ridicule, comme seuls certains maîtres de l’humour (parfois noir) en ont été capables, après des années de pratique au quotidien.
L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea se veut un pur divertissement. Et pourtant, il va au-delà de l’aspect ludique des situations désopilantes qui s’enchaînent. L’auteur propose aussi avec ce premier roman une étude sociologique et un drame de mœurs contemporain qui devrait faire sourire les plus blasés d’entre nous.
Je n’aurais qu’un seul reproche (si c’est bien là un reproche) à faire à ce délicieux roman. Il se lit d’une traite tant il est captivant et on en vient à bout en moins de deux. Hélas.
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