Plus d’un siècle sépare Mathilde et Carmen, les deux narratrices de Novembre veut ma peau, qui se relaient le flambeau à tour de rôle dans de courts chapitres relatant leur quotidien et leurs états d’âme. L’une et l’autre aspirent à une vie autre que celle qui est la leur et empruntent parfois des chemins qui ne sont pas si dissemblables, même si elles ne vivent pas à la même époque.
Mathilde, la laissée pour compte que ses parents voudraient bien marier, aimerait une fois dans sa vie sentir son cœur battre et ses mains brûler de désir au simple contact de celles d’un homme. Juste une fois. Mais les prétendants se font rares malgré les marieuses prêtes à aider la pauvrette et le seul qui semble convenir aux siens ne lui sied que peu.
Quant à Carmen, qui compte autant d’amants que d’années de vie, elle décide un jour de ne plus avoir de liens charnels avec les hommes, de s’occuper de ses études plus que négligées et de s’intéresser à son colocataire plutôt que le considérer comme quantité négligeable. Mais la vie se charge parfois de changer la donne. Surtout si on a dans notre entourage une marieuse version 21e siècle qui tient absolument à vous faire rencontrer votre alter ego.
Mathilde et Carmen ne se ressemblent pas. Du moins, leurs similitudes ne sautent pas aux yeux. Pourtant, leur quête n’est pas si différente. L’une comme l’autre ont été — ou se sont — trop exhibées malgré leur jeune vingtaine, l’une dans des salons, des soirées et des bals, afin qu’un bon parti se présente enfin, et la seconde dans trop de lits dont elle a parfois eu du mal à extirper certains intrus.
Hélène Rompré, en donnant la voix à l’une puis à l’autre, pour bien montrer ce qui oppose les deux jeunes femmes, fait vivre à chacune des situations qui, sans être en tout point identiques, ne sont pas éloignées l’une de l’autre. Ainsi, pour Mathilde, comme pour Carmen, il y a des liens avec trois hommes, une mère très (parfois trop) présente et un besoin de liberté très fort.
L’auteure a réussi son travail d’historienne pour nous donner une idée de ce à quoi pouvait ressembler la vie d’une jeune Montréalaise issue de la bourgeoisie. Elle a, de plus, dressé un portrait assez réussi d’une jeune femme contemporaine. Elle a même relevé le défi des voix qui s’interpellent sans qu’on prenne l’une pour l’autre.
Pourquoi, alors que tout coule à un bon rythme, précipiter les choses et en deux temps trois mouvements liquider des personnages pour arriver à une conclusion rapide? Ce n’est pas parce qu’on a déjà la fin en tête, trouvé l’élément qui va permettre de réunir les deux vies qu’il faille pour autant bâcler la fin du roman.
Le détail est en effet astucieux, j’en conviens. Mais pas au point de me faire oublier la vitesse avec laquelle l’auteure nous pousse vers celui-ci. Sans cette fin bâclée qui aurait pu être évitée par un véritable travail d’édition, Novembre veut ma peau aurait pu être encore meilleur. Dommage.
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Titre pour le Défi Premier Roman