Les poèmes de Silvina 8
À un poète
Ah, que la mémoire serait vaine
s’il n’y avait pas de poèmes pour l’aimer,
si ces lyriques enceintes de gloire
ne brillaient pas afin de le garder.
L’amour serait gris, gris et désert.
Ah, comme on perdrait les heures,
avec quelles tristesses dévastatrices
verrions-nous le soleil, le ciel rigide!
Nos peines ne seraient que des peines,
il n’y aurait pas d’enfer dans notre joie en flammes,
ni de temples et de sirènes surgis
de la fidèle senteur des genêts.
Silvina Ocampo, Poèmes d’amour désespéré
*choix de la lectrice de Lorner Feitelson