Les poèmes de Silvina 2
Si en vain je suis maintenant ce que je fus,
comme le sable souple et persistant
où s’efface le pas qui l’aménage,
je n’ai pas assez souffert, amour, à cause de toi.
Ah, si tu ne n’avais donné que de la peine
et non l’infidèle et intrépide joie,
ta cruauté ne me blesserait pas,
ni à chaîne ne serait capable de m’enchaîner.
Je veux t’aimer, non t’aimer comme je t’aime;
être aussi distante que les roses;
telle que l’arbre aux branches de lumière,
ne pas exiger les joies qu’aujourd’hui je réclame;
m’éloigner, me perdre, t’abandonner,
avec ma trahison, te retrouver.
Silvina Ocampo, Poèmes d’amour désespéré
*choix de la lectrice de Laurent Botella