
Le premier roman d’Hugo Léger, Tous les corps naissent étrangers, met en scène Jean-Jacques Darrieux, à l’aube de la soixantaine, alors que tout autour de lui semble s’effriter d’un seul coup, autant les relations qu’il entretient avec son équipe que ceux qu’il a avec les plus ou moins proches qui constituent son entourage.
L’homme n’en est plus aux belles heures de sa vie, alors qu’il présentait les nouvelles à la télévision et était adulé par un large public qui ne semble pas l’avoir tout à fait oublié. Un accident de voiture a changé le cours de sa vie. Il est devenu le directeur d’une des plus importantes agences de relations publiques de Montréal. Un accident de la vie a aussi transformé son existence, le rendant père d’un enfant lourdement handicapé qui ne marchera jamais, ne parlera jamais et jamais non plus ne sortira de l’état végétatif qui est le sien depuis seize ans.
Fils d’alcoolique violent que sa femme a fini par quitter il y a quelque vingt ans, Jean-Jacques n’aime et ne désire qu’une chose dans la vie : faire de l’argent. Du moins le croyait-il. Jusqu’à que tout se mette à ne plus fonctionner comme avant. L’homme n’a plus la main. Ses affaires sont en chute libre comme l’avait été l’audimat après son accident. Il n’arrive plus à rien, pas plus au lit qu’ailleurs.
Il est donc temps, surtout que tous les indices lui sont donnés, de changer une fois de plus le cours de sa vie. Voilà à quoi nous convie Hugo Léger dans ce roman fouillé, à la langue imagée, dans lequel se croisent des personnages qui n’ont rien de banal, du fabricant de colle qui colle à tout sauf aux doigts en passant par la pute de luxe et l’entraîneur également peintre du dimanche qui se prend au sérieux, à la seule femme qu’il ait aimée et qui l’a quitté après lui avoir donné un fils qui ne correspondait pas à la perfection à laquelle il était habitué, ou les musiciens de la fanfare à laquelle il s’est joint, question de frapper de toute son énergie une grosse caisse à défaut de se frapper la tête au mur.
Belle entrée en littérature pour ce sociologue de formation qui a été journaliste avant de passer au monde de la publicité. C’est peut-être là qu’il a « attrapé » le seul défaut de son écriture : les sauts en continu d’un pan de la vie de Jean-Jacques à un autre. Sans prévenir. Comme on enchaîne les pubs à la télé. Procédé avec lequel j’ai eu un peu de mal avant de m’habituer, mais qui pourra plaire aux as de la télécommande. En ce qui me concerne, j’aurais préféré quelques intercalaires.
Ceci dit, le premier roman d’Hugo Léger se dévore d’une traite. Même si on n’arrive pas à s’attacher à l’antipathique Jean-Jacques, ce que ne cherche pas nécessairement l’auteur. Il a gardé sa carte maîtresse pour la fin. Et quelle fin! Je n’en dis pas plus.
« L’heure constitue une excuse formidable pour s’éclipser. » (p. 84)
Texte a paraître dans 
Titre pour le Défi Premier Roman 