Poèmes chinois 3
Une nuit dans la montagne
Posé à même la montagne inclinée,
Je suis l’errance d’une barque fragile,
Dont l’écho rappelle ma destinée.
elle flotte, légère, sur les flots lourds,
Et fuit mon regard dans l’ampleur du ciel.
Le soleil s’épuise alors dans l’horizon
Et ma vue entre soudain dans le demi-jour d’une lumière indécise.
Un dernier rayon considère encore la cime des arbres
Et la pointe des roches chenues.
Tandis que le lac se teinte d’encre noire,
Des nuages rouges témoignent encore de l’astre défunt.
L’ombre des iles, plus noire encore
Se détache des eaux assoupies
Qui reflètent un instant le souvenir du jour;
Mais déjà l’obscurité pèse sur les bois et les collines,
Et le trait confus du rivage
Se trouble dans mon regard impuissant.
La nuit vient, l’air est vif;
Le souffle du nord crie implacable
Et pousse les cormorans vers la rive.
Ils attendront l’aurore entre les roseaux.
La lune coquette se montre sur les eaux lisses.
Je prends mon luth
Et accompagne ma solitude.
Mes doigts caressent les cordes en sanglots;
Le chant disperse au loin ses accords.
Le temps s’envole;
Un frisson de rosée me rappelle à l’heure tardive.
Chang Jian
(Nuages immobiles)
*choix de la lectrice du peintre indien Sanjay Sable