
Nous nous étions donné rendez-vous il y a un moment et j’étais là à l’attendre depuis déjà une demi-heure quand elle est arrivée essoufflée. Elle avait dû envoyer un courriel à Boston avant de partir et ça avait été plus long que prévu. Mais elle était là et elle avait une heure devant elle. On devait l’appeler de Londres dans une heure et demie.
Une heure pour rattraper quinze ans. Cela me paraissait bien court. Entre deux bouchées de la salade qu’elle a à peine touchée, elle a fait le tour de sa vie, le Blackberry pas loin. Au cas où.
Je n’avais pas de success story à raconter, j’ai écouté la sienne. Pleine de chiffres, de contacts, de voyages d’affaires. Mon combat pour la langue française était bien insipide. Dans quinze ans, tout le monde allait parler mandarin, loi du marché oblige, m’a-t-elle expliqué, forte de son MBA et de son expérience.
Puis l’heure a passé. C’est moi qui maintenant étais essoufflée.
Je l’ai regardée courir vers sa voiture. La jeune femme que j’avais connue n’existait plus. Et probablement n’allais-je pas revoir ce qu’elle est devenue. Le monde l’attendait au bout du fil alors que moi, un livre m’attendait. Et soudainement, ma respiration est devenue normale.
*toile de David Park