Les mots de Tagore 5
La lectrice du peintre Nicholas Takis s’est allongée. Elle voulait être à l’aise, prendre son temps, goûter chacun des mots du recueil du poète indien Tagore. Et chaque fois, après la lecture de quelques poèmes en prose, elle revenait à celui-ci :
Ô Nuit, Nuit voilée, fais de moi ton poète!
Certains se sont tus, muets, dans ton ombre, durant des siècles; laisse-moi révéler leurs chants.
Prends-moi sur ton chariot sans roues qui bondit silencieusement de monde en monde, ô toi, reine dans le palais du temps, toi, magnifique et obscure!
Plus d’un esprit qui interroge est entré furtivement dans ta cour, et a rôdé dans ta maison sans lumière, demandant une réponse.
De plus d’un cœur, transpercé par cette flèche de la joie que tirait la main inconnue, le chant de jubilation a éclaté, ébranlant l’obscurité jusqu’en ses fondements.
Ces âmes attentives ont levé leur regard vers la lumière étoilée, et s’étonnent d’un trésor si soudainement trouvé.
Fais de moi leur poète, ô Nuit, le poète de ton insondable silence.