Les mots venus de Roumanie 5
La lectrice peinte par Philippe Schulte est allée au hasard, sans ordre. Elle voulait non pas choisir un poème dans le recueil de Tudor Arghezi, mais qu’un poème la choisisse. Et ça a été celui-ci :
Le tendre pas
La solitude en moi, toujours ensemble,
Avons partout fait bonne compagnie;
Ainsi mon âme à la lune ressemble,
Qui se levant fait glacer toute vie.
Le mouvement alentour ralentit;
La ville et ses ruelles diminuent
Et tous les gens qui passent vers midi
Ont des pensées, des phrases inconnues.
À qui conter cette étrange blessure?
Qui écouterait l’âme, sans un mot,
Debout, un doit passé dans la ceinture,
Sans exiger que je parle plus haut?
Tu comprenais d’un geste. Le trésor
Était là, dans ton œil qui me regarde
Et ton esprit connaissait sans effort
Les cieux voûtés qui m’avaient sous leur garde.
Mais quand le doute, épiant, effleurait
La porte vers le rêve entrebâillée,
J’entendais un soulier sur le parquet…
Et la savais pour le doute fermée.