Les mots venus de Roumanie 1
C’est la lectrice peinte par l’artiste Carl John David Nordell (natif de Copenhague) qui, en fouinant, a décidé de mettre en lumière le recueil du poète roumain Tudor Arghezi, intitulé 50 poèmes. Un recueil que je n’avais pas ouvert depuis des années et qui m’est pourtant cher parce qu’il avait traversé l’océan de Braşov à Montréal, dans un paquet confectionné avec beaucoup de soins par Catalina.
Un recueil qui m’a fait remonter le temps, qui m’a rappelé ces années où entre l’Europe et Montréal circulaient des livres. Un recueil duquel elle a retenu ceci :
Mon âme, voici…
Mon âme, voici des vers sans visage,
Sans timbre et sans réponse,
Faits de poussière et de sable.
Accueille-les, murmure-les.
À nouveau je m’approche de toi, humblement
Car je te crains et je t’ai vue
Sauvage, inquiète.
J’abrite sous mon toit
Dieu et de vastes merveilles,
Comment pourrais-je ne point trembler de peur?
Ces vers brisés par moi couleront sans ordre,
Rosaire éparpillé,
Pièces, dentelles, soieries, feuilles.
Avec toi, j’aimerais tenter une fois encore
De parler à mi-voix, à l’heure où cessent les danses
Et l’orchestre s’est tu.
Je voudrais entre nous un langage défait
Et que, d’entre les mots dénouant la parole,
Nous choisissions leur sens ici et là.
Mainte autre fois, j’ai parlé en vers chaussés,
Enjolivés et taillés sur mesure.
Je suis las d’enserrer en cothurnes ma langue
Et veux la faire aller dorénavant pieds nus.