Qui aime la langue et ses nuances ne pourra que se délecter de la lecture du Petit dictionnaire chinois-anglais pour amants de Xiaolu Guo, où une jeune Chinoise débarque à Londres pour un an afin d’y faire l’apprentissage d’une langue qui se rebelle souvent et la rend quelquefois perplexe.
C’est donc de cet apprentissage qu’il est question. De chaque nouveau mot qu’elle présente avec sa définition au début de chaque chapitre (d’où le mot dictionnaire dans le titre) afin de le triturer à sa manière, d’en décortiquer le sens et de se l’approprier. Mais l’anglais est une langue difficile et si loin du chinois. Notamment dans la façon de construire les phrases, si bien que Z, l’héroïne du roman qui a préféré ce diminutif à son nom imprononçable, doit se battre quotidiennement avec la langue de Shakespeare afin de la comprendre. Pour notre plus grand bonheur, puisque cela donne un roman savoureux où on a droit à des scènes comme :
Le serveur demande : « Que désirez-vous? De l’eau plate ou vaseuse?
– Hein? L’eau vaseuse? » Je suis choquée.
« D’accord, de l’eau vaseuse. » Il va chercher une bouteille d’eau.
J’ai une grande curiosité de cette eau étrangère. J’ouvre la bouteille et les bulles montent à la surface. Comment on met ces bulles dans l’eau? Sûrement, elles sont la technologie avancée. Je bois. Le goût est amer, très vaseux, pas naturel du tout, comme le poison.
Apprentissage de la langue, de l’Occident, mais aussi de l’amour. Sans pudeur, avec simplicité voire même naïveté. Où elle découvre son corps à mesure qu’il se déploie et se révèle lui aussi en mots.
Un roman dont la langue évolue à mesure que le vocabulaire de la narratrice s’enrichit de nouveaux mots et qu’elle sait de plus en plus tourner ses phrases. Un roman écrit en anglais et dont il faut relever la remarquable traduction de Karine Laléchère qui a su respecter les erreurs de style et les mots déformés afin de conserver intact l’esprit de ce roman que je conseille vivement.