Lali

13 mars 2008

Le geste d’écrire

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 7:21

carella 2

Est-ce une certaine réalité qu’elle dépeint en quelques mots, en quelques lignes? Est-ce de la fiction toutes ces histoires qu’elle semble inventer? Est-un peu des deux? Et faut-il vraiment le savoir si les mots touchent ceux qui les liront?

L’écrivaine peinte par Magda Carella refuse de se poser la question. Comme je m’y refuse aussi. Le vrai est toujours empreint de certaines faussetés pour le rendre plus réel. La fiction est teintée du réel qui dépasse l’imagination. Et le geste d’écrire est une ligne qu’on trace quelque part entre les deux, pas vraiment droite, ni tordue.

Le bateau qui tarde à venir

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 6:56

barnes

Elle attend le bateau qui va la mener jusqu’à lui. Un bateau qui tarde à venir, un bateau qui l’appelle et qui l’apeure. Un bateau qui lui a fait laisser derrière elle un homme qu’elle n’a jamais aimé et un enfant.

Et c’est à son fils que pense la lectrice d’Edward Charles Barnes en tenant serrée dans sa main la lettre qui lui promet un bonheur qu’elle n’a jamais connu, un bonheur qu’elle voudrait tant connaître, même s’il faut pour cela abandonner un petit être né de sa chair qui ne comprendra jamais son geste, qui vivra avec ce manque d’elle jamais comblé, parce qu’elle aura choisi une autre vie. Parce qu’on n’entraîne pas un enfant dans une telle aventure.

Oui, c’est à son fils qu’elle pense alors qu’elle est là à attendre un bateau qui l’emmènera loin des coups et des injures d’un homme. Et tandis que le bateau tarde, elle a envie de courir le chercher. Mais elle sait que c’est impossible. Que s’enfuir ainsi lui a pris tout son courage. Qu’il n’en reste plus pour davantage. Que si elle rebrousse chemin, le bonheur promis partira sans elle.

Et peut-être toute sa vie sera-t-elle tiraillée par ce geste qu’elle est en train de poser. Pour son propre bonheur, au détriment de celui à qui elle a donné la vie. Et peut-être même que son bonheur sera taché et non pas immaculé comme elle voudrait qu’il soit. Et peut-être même qu’il n’aura pas la durée qu’elle imagine alors qu’elle attend le bateau qui lui fait rêver à une autre vie.

Et si jamais c’est le cas, elle ne pourra retourner en arrière, elle le sait. Et pourtant, elle va partir. Elle va abandonner son fils, elle qui n’a pas vingt ans.

Elle ne lui aura donné que la vie, elle qui ne savait rien de la vie. Et peut-être qu’un jour, oui un jour, même si elle ne lui a donné que ça, la vie, lui qui a toujours vécu dans le manque d’elle, lui qui n’a pas connu l’enfance heureuse à laquelle tout enfant aspire, il lui dira quand même merci, merci de lui avoir donné la vie. Même si juste ça.

La culpabilité, les regrets et le pardon ne servent plus à rien quand il est trop tard.