Lali

29 septembre 2007

Il est des mots

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 22:42

armusik 3

Le marque-pages était là. Exactement là. Presque au milieu de l’anthologie. Il ne pouvait pas savoir.

Et la lectrice d’Eric Armusik va du recueil au poème qu’il a transcrit pour elle. Le même, exactement le même. Comme s’il savait déjà tout d’elle. Comme s’il la savait. Comme s’il savait qu’elle serait elle aussi touchée – comme lui l’avait été – par les vers d’Alexandre O’Neill :

Il est des mots…

Il est des mots dont les baisers
Nous font penser qu’ils ont des lèvres,
Ces mots sont d’amour, ou d’espoir,
D’immense amour, d’espoir sans trêve.

Ces mots sont nus et ils embrassent
Lorsque la nuit perd son visage,
Ces mots sont nus et se refusent
Aux murs de ta déconvenue.

Des mots soudain hauts en couleur
Au milieu d’autres sans saveur,
Des mots épées, inespérés
Tels la poésie ou l’amour.

(Voilà le nom de qui l’on aime
lettre à lettre tout dévoilé
sur un bout de marbre distrait,
ou de papier abandonné.)

ce sont des mots qui nous transportent
là où la nuit est la plus forte,
jusqu’au silence des amants
qui s’étreignent contre la mort.

(poème tiré de l’Anthologie de la poésie portugaise)

Elle n’était pas malheureuse

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:23

cpf

Elle n’était pas malheureuse. Loin de là.
Il y avait des livres, du café, des amis. Des fleurs sur le chemin. Du chocolat. Des nuages aux formes étranges qui lui faisaient inventer des personnages. Des souvenirs. Des moments indélébiles. Cette fois où, ce jour quand. De petites traces qui font sourire. Un dessin d’enfant accroché au mur. Des roses qui ont séché. Tous ces petits détails qui lui faisaient dire que non, elle n’était pas malheureuse. Suffisament de détails heureux et épars pour le lui confirmer.

Quelques mots dans une carte de souhaits. Un foulard lui rappelant un voyage. Une tasse rapportée de là-bas. Et tous ces livres à lire comme autant de moments de bonheur à venir.

Non, elle n’était pas malheureuse.

Mais il a suffi d’une minute, peut-être même de quelques secondes. Difficile de dire en combien de temps le changement s’est opéré. Mais plus rien n’a été pareil. Les souvenirs étaient encore plus beaux. Les objets encore plus colorés. Le ciel plus vaste. Les livres plus invitants.

La lectrice de Carlos Perez-Franco ne pouvait plus dire qu’elle n’était pas malheureuse.
Tout avait changé.

Elle était heureuse.

Offerte

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 21:58

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Le corps, unique lieu de rêve et de raison,
Asile du désir, de l’image et des sons.

(Anna de Noailles)

Il aime sa nudité. Cette nudité qui n’a rien d’indécent et d’impudique. Cette nudité qui est elle, peut-être offerte à celui qui la regarde ainsi. Lui.

Il aime la nudité de la lectrice de Frédéric Brandon qui lui inspire les mots d’Anna de Noailles. Qui lui inspire le désir d’elle. Ce désir bien plus qu’indécent et impudique. Ce désir amoureux de se fondre en elle.

On peut supposer

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 20:35

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Elle avait rendez-vous. On ne sait pas avec exactitude si le rendez-vous a eu lieu, si elle est rentrée ou si elle attend encore. On ne sait rien de tout cela. On sait seulement que la lectrice de Gioacchino Toma est plongée dans son livre, qu’elle tourne lentement les pages, qu’elle prend le temps de s’imprégner de chaque ligne.

On peut même supposer – et pourquoi pas – que le livre parle d’un rendez-vous à venir ou qui a eu lieu, et qu’elle s’identifie à l’héroïne, comme tout lecteur, comme toute lectrice aime le faire à l’occasion. On sait seulement que le temps et les mots coulent sur elle.

Une page bien précise

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 20:19

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Elle s’est arrêtée à une page précise du recueil de Louise Desjardins, La minutie de l’araignée. Peut-être parce que ce soir la lectrice de Lucian Freud rêve. Elle rêve de pouvoir dire un jour ces mots :

Il me caresse les pieds, et je comprends soudain les passages de livres que je ne comprenais pas. Personne ne m’avait caressé les pieds auparavant. Pas comme ça en tout cas.

Les lecteurs du samedi matin

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 9:36

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Combien sont-ils en ce samedi matin, allongés sur le sofa, à table, assis dehors, à lire leur journal en prenant leur café, comme le lecteur de Vivan Olgean Allen? Beaucoup, sûrement, parce que c’est l’activité de prédilection des samedis matins avant les courses.

Il n’y a qu’à écouter les gens pour savoir qu’une large part de la population est calquée sur ce modèle. Curieux, tout ça. Parce que ce sont les mêmes qui se plaignent de la routine, du train-train quotidien, des habitudes qui usent, qui se retrouvent samedi après samedi à faire exactement la même chose que la semaine précédente. À peine les nouvelles changent-elles. Le café est toujours posé à la même place, avec le même nombre de carrés de sucre dedans. Jamais de variante. Et le tout est si bien minuté qu’ils se retrouveront tous en même temps à l’épicerie, à la poissonerie, à la boucherie, à la boulangerie, à faire la queue. Et en se disant que la semaine suivante, ils feront les courses en premier pour se prélasser tout l’après-midi.