Le voilà prêt à reprendre la route, lui, le lonesome cowboy qui n’aimait pas les livres. Le voilà prêt à chevaucher toutes les montagnes pour aller retrouver sa belle dont il relit les mots. Lui qui se vantait de les faire toutes craquer y a mis du temps. Il fallait d’abord qu’elle lève le nez de son livre. Pour un cowboy? C’était bien mal la connaître. Elle n’a donc pas levé les yeux, mais avouons-le, elle a remarqué l’homme sur son cheval qui tournait autour d’elle sur la place, tentant de se faire remarquer. Et peut-être même a-t-elle souri intérieurement sans que ça ne se voit sur son visage.
Mais un cowboy sur son cheval, ce sera toujours un cowboy sur son cheval. Et c’est sans le regarder qu’elle a quitté son banc pour se diriger vers la bibliothèque. Et pour ne pas la perdre du regard, il l’a suivie. Elle l’attendait au comptoir des prêts. Ne sachant trop comment l’aborder, il tournait en rond dans ce lieu de silence et de mots. Elle a sorti un livre, un deuxième, un troisième, lui a dit à quel point ces livres étaient magnifiques, qu’il les aimerait puisque ça parlait du Far West d’un autre temps. Et il a rempli sa fiche et est reparti avec les livres sous le bras.
C’était il y a des mois de cela. La bibliothèque était à l’autre bout de l’État. Mais toutes les deux semaines, il retournait voir la jolie bibliothécaire. À qui il pensait le soir, les chevaux rentrés, en lisant les livres qu’elle choisissait pour lui, lui qui n’avait jamais vraiment lu. Chaque fois, lorsqu’il rapportait les bouquins, il s’attardait, lui donnait ses commentaires et une douce complicité naissait. Le cowboy de Bill Anton, pour la première fois de sa vie, n’avait plus envie de conquêtes faciles.
Et ce matin, alors que la nuit commence à peine à se lever, il relit le doux billet qu’elle a glissé dans un des livres et qu’il a trouvé la veille. Il avait d’abord pensé que c’était là quelque missive oublié par un précédent lecteur et n’y avait pas porté attention. Puis, par curiosité, il avait déplié la feuille : Maintenant que je vous ai fait aimer les livres, si vous me faisiez aimer les chevaux ?