Il y a 47 ans
Il y a 47 ans, il l’emmenait à l’église. Aujourd’hui, c’est chez l’ophtalmologiste qu’il va l’emmener pour qu’on l’opère pour une cataracte, une seconde opération en quatre semaines. Dans les deux cas, il aura le même geste. Il lui tiendra la main sur le trottoir, dans la rue, partout. Et peut-être que cet amour resplendissant fera sourire quelqu’un, comme j’ai pu le constater il y a quelque temps.
Cet homme qui a demandé très officiellement la main de celle qu’il aimait à son père il y a bien longtemps et qui s’est vu répondre quelque chose comme Je te donne sa main, et tout le reste qui va avec, mais tu ne me la ramènes pas, a tenu parole. Il a pris la main, l’a tenue fermement toutes ces années.
Celle qui a dit oui ce jour de juin 1960, celle qui a été et est toujours sa complice, son amoureuse, a les mêmes yeux bleus qu’à 20 ans, la même admiration pour celui qui n’a jamais lâché sa main.
Et 47 ans plus tard, ils sont là côte à côte, à regarder des cartes et à faire des projets de voyages, tels les amoureux de Frederick Leighton. Et 47 ans plus tard, ils vont au concert régulièrement, en se tenant par la main. Et 47 ans plus tard, parce que ses yeux à lui ne sont plus et ne seront plus ce qu’ils étaient, elle lit à voix haute pour deux des romans historiques ou policiers. Et 47 ans plus tard, ils cuisinent ensemble. Ils se sourient, ils s’aiment.
Et je les aime. Et ils m’aiment. Je suis née de cet amour où les mains ne se quittent pas.