Les lectrices de contes de fées
Il y a des gens si élitistes, si embrigadés dans leurs convictions, si engoncés dans le qu’en-dira-t-on, qu’ils n’avoueront jamais qu’ils écoutent en cachette des comédies sans prétention pour ne pas détruire leur image d’intellectuels, versés dans le cinéma de répertoire. Il y en a aussi qui connaissent le nom et le goût de tous les plats compliqués, mais qui ne diront jamais, surtout pas, que parfois des frites mayo, c’est tout ce que ça prend pour être heureux. Et d’autres aussi qui ne jurent que par les grands auteurs et qui ne lisent que ce que la critique louange. Tous des gens compartimentés, qui boudent leur plaisir, et qui oublient de vivre tout court. Qui ont oublié qu’une glace à la vanille qui dégouline sur les doigts vaut bien – et souvent plus – que tous les plats savamment préparés. Qui ne croient pas que l’art est ailleurs que dans les musées et que s’il n’est pas cautionné par les spécialistes, il n’a aucune valeur.
Comme ils se privent! Comme ils taisent en eux la vie. L’art est dans les musées, oui. L’art est aussi dans les premiers dessins d’un enfant. L’art est aussi dans ces lectrices de contes de fées de Carmen Keys qui rappellent notre enfance.
Tant pis pour ceux qui sont revenus de tout et qui boudent leur plaisir. Dommage pour leur regard qui se ternit. Je ne serai jamais de ceux-là.