Lali

15 mars 2007

Le livre dont elle attend tout

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:58

arbit blatas

Certaines se précipitent chez elle parce qu’un homme, un enfant ou les deux les attendent. D’autres, parce qu’elles ont programmé une soirée télé. D’autres, parce qu’il leur faut promener le chien.

Et il y a les autres. Celles qui vivent seules, sans homme, sans enfant, sans chien et qui n’allument jamais la télé. Et il y a les autres, comme la lectrice d’Arbit
Blatas
, que personne n’attend, mais qui se précipite tout de même chez elle, pour la bonne raison que, justement, personne ne l’attend, que nul n’attend rien d’elle non plus et qu’elle attend ce moment où elle va s’asseoir et lire le livre dont elle attend tout.

La cicatrice

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 21:39

beckwith 2

beckwith 3

La blessure cicatrisée, on oublie la douleur.
[ Proverbe chinois ]

Combien de fois enlèveront-t-elles la gale alors que la cicatrice commence à se faire ? Combien de fois rendront-elle la plaie vive ? Combien de fois les lectrices de James Carroll Beckwith, alors qu’elles réussissaient à vivre à nouveau, vont-t-elles regarder derrière elles et relire ad nauseam des lettres? Combien de fois ? Autant de fois que nous le faisons tous, probablement. Souvent volontairement, surtout quand la douleur est omniprésente parce que récente. Puis de moins en moins consciemment, mais avec régularité, comme pour se prouver qu’on a vécu.

Elles n’en sont pas encore là. Que l’une soit assise dans ce jardin qui lui rappelle combien il avait hâte à l’été pour le partager avec elle ou que la nuit, l’autre sorte chacun des billets qu’il laissait traîner, elles ne font qu’attiser la douleur de l’absence. Et sûrement qu’elles le savent. Comme elles savent aussi que la mort leur a enlevé celui qu’elles aimaient et qu’il ne reste que des mots sur du papier pour leur rappeler qu’il les aimait.

Un jour, elles n’ouvriront plus la paie. La fiancée comme la sœur la laisseront se cicatriser. Et peut-être, oui, peut-être oublieront-elles la douleur.

En flagrant délit de bonheur

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 21:14

melanie c thomas

Prise en flagrant délit de bonheur, la petite lectrice de Melanie C Thomas va conserver la pose pour toujours. Pieds nus, allongée sur le ventre, avec pour seul compagnon un livre, elle ne demande rien de plus. Et ainsi figée, elle est plus vivante que bien des gens que nous croisons, éteints parce que peut-être ils n’ont jamais ouvert un livre. Et ainsi moulée dans le bronze, elle est la vie.

Des jours, des semaines…

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 7:58

abbéma 1

abbéma 2

Il y a des jours, peut-être même des semaines entre le moment où elle a décacheté la lettre et celui où elle se décide à donner une réponse à la missive. Entre les deux, des heures et des heures à relire cette lettre, à chercher de quelle manière y répondre, à ouvrir des livres pour y trouver une phrase qu’elle pourrait citer et qui à elle seule dirait tout, mais sans succès. Des heures à laisser aller la plume sur le papier pour écrire autre chose que cette lettre.

Et alors qu’une fois de plus, la lectrice de Louise Abbéma s’est assise devant les feuilles, convaincue qu’elle va enfin réussir à trouver les mots justes, la plume reste suspendue. Peut-être faudra-t-il encore des jours, des semaines, pour qu’elle en finisse avec cette lettre ou qu’elle choisisse de ne pas y répondre.

La lectrice sur sa chaise

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 7:50

earnshaw

Alors qu’elle lit, nue, dos à la porte, elle repense à toutes ces fois où il l’a trouvée ainsi, à toutes ces fois où il a embrassé sa nuque alors qu’elle tournait les pages, à toutes ces fois où le livre est tombé par terre. Et la lectrice de Neville Earnshaw songe à combien était doux ce désordre occasionnel, à combien elle aimait les mains de son amant sur sa peau, à combien elle aimait retrouver ses livres quand il repartait dessiner.

Leurs peaux ne se mêleront plus. Mais restera gravée cette image de celui qui arrivait derrière elle pour tout bouleverser. Mais restera cette image, car elle ne se décide pas à changer l’angle de la chaise.