J’avais quinze ans et j’écrivais des poèmes. Nuit et jour, jour et nuit. Lesquels je tapais ensuite à la machine dans un décor moins enchanteur que celui peint par Joaquin Mateo, mais qui dans mon esprit d’alors aurait été celui idéal pour l’écrivaine que je voulais devenir.
J’avais quinze ans et j’écrivais des poèmes pendant les cours de biologie, de chimie et de physique. Je passais mes journées à faire des rimes, à utiliser des mots savants que j’avais lus dans des livres. J’aimais particulièrement utiliser aux confins; je trouvais entre toutes cette image on ne peut plus poétique. Et dramatique, car c’est à cet âge-là qu’on l’est le plus.
J’avais quinze ans. C’était il y a trente ans. Et j’écrivais un poème qui s’appelait Adolescence retrouvée, comme si je l’avais perdue. Il m’arrive de sourire en relisant les textes de cette époque. Comme j’étais triste et mélancolique, comme je me réfugiais dans l’écriture parce que je me sentais incomprise. J’étais une adolescente, quoi !
Mais si je remonte ainsi dans le temps, c’est parce que je me rends compte que cette année signera un anniversaire. Mes premiers textes publiés auront trente ans dans quelques mois. Combien en ai-je écrits depuis? Je préfère ne pas compter. Entre les poèmes et les nouvelles publiés dans des magazines littéraires, les chroniques, les critiques dans d’autres revues, la pièce jouée et les deux romans pour enfants qui auront, eux, dix ans et tous les textes dans des cahiers, les débuts de roman, les poèmes qu’il faudra colliger un jour, les textes de chansons qui n’ont pas été chantés, les billets ici, ça fait bien de l’encre et du papier. Mais c’est peut-être aussi la preuve que pendant trente ans j’ai été vivante et que j’ai tenté de poursuivre ce rêve né de ce premier recueil collectif tiré à 700 exemplaires, dont il m’en reste deux seulement.
Du papier, des stylos, une machine à écrire même pas électrique et j’étais heureuse. Du papier, des stylos, un ordinateur et je suis toujours heureuse. J’écris.