La lettre
Il faut laisser vivre aux lectrices leur chagrin seules. Il faut les laisser se servir un verre de vin pour engourdir la douleur et ne pas leur parler. La lectrice d’Edward Minoff sait cela, elle qui espérait un peu de bonheur et qui relit pour la énième fois la lettre qui signe une rupture qu’elle n’a pas vue venir. Et encore moins à quelques heures de Noël.
Elle ne pouvait se douter de ce qui se tramait déjà. Aucun signe précurseur. Et pourtant. Tout est là, noir sur blanc.
Ne lui dites pas que tout ira mieux demain. Elle ne veut rien entendre.
Avec un peu de chance, ses larmes effaceront l’encre et sa mémoire oubliera les traces d’un désir si fort qu’il l’avait emportée là où elle ne pensait plus aller.
« Il vaut mieux rêver sa vie que la vivre…», a écrit Proust. Et comme tout cela s’applique à celle dont le regard se brouille alors qu’elle avait tout fait pour éviter que ça lui arrive à nouveau, autant ce bonheur qui l’a fait vibrer un mois durant que cette douleur qui lui étreint maintenant le cœur.