Lali

26 novembre 2006

Quand la grande dame s’est éteinte

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 23:07

annehebert

C’est le poète Bruno Roy qui m’a annoncé le décès de la grande dame de la littérature Anne Hébert, en 2000. Il venait souper à la maison et il avait appris la nouvelle dans la voiture. Il était encore bouleversé, lui qui l’avait côtoyée à quelques reprises.

De mon côté, j’avais pour tout souvenir autre que ses romans et ses poèmes qui avaient jalonné ma vie depuis l’adolescence le visage de cette femme si belle, même à 80 ans, qui m’avait embrassée à un de ses lancements et qui avait eu la gentillesse de me dire que si elle avait mieux supporté les éclairages, elle aurait aimé m’accorder une entrevue pour la télévision, car elle avait vu à quelques reprises à quel point je respectais les écrivains et leur travail. Avant même que l’idée puisse me traverser l’esprit. J’aurais probablement été trop timide pour en faire la requête. La grande dame m’a impressionnée non pas parce qu’elle était Anne Hébert, l’auteur de Kamouraska, ou promise au Nobel de littérature qu’elle n’a jamais eu, mais par son naturel, sa simplicité, son empathie visible alors qu’on disait d’elle qu’elle n’aimait pas les foules ni les flaflas, et encore davantage qu’elle était inaccessible.

Et pourtant, elle ne l’était pas. Pas ce soir-là. Pas cette minute où elle a croisé mon regard alors que je n’osais m’approcher et qu’elle a fait signe à son attachée de presse de nous présenter. Ni les minutes qui ont suivi et qui ont illuminé ma vie. Celle qu’on disait sauvage n’était que timide. Et c’est peut-être ce qu’elle a reconnu d’elle en moi dans mes entrevues télé, la timidité et le respect pour la vie intime des gens à laquelle je ne faisais jamais allusion – à l’heure où la mode était de demander à tutti quanti de l’étaler en faisant des écrivains des bêtes de cirque alors qu’ils sont habités par une solitude pleine et riche qui les nourrit. Ou autre chose que je ne saurai jamais. Peu importe. Ce fut un moment magique, un moment de partage entre une jeune femme qui avait une passion pour les écrivains et leur travail et une grande dame qui avait inspiré plus d’un parmi ceux qu’elle avait eus en entrevue.

Et quand Bruno a annoncé la nouvelle, j’ai dû devenir aussi blanche que la craie. Il m’a serrée contre lui, m’a demandé d’aller chercher ses poèmes. L’un après l’autre, nous avons lu à haute voix quelques lignes de la grande dame de la littérature. Et fait silence. Ça reste un moment marquant que deux poètes se recueillent aisnsi à la mémoire de celle qui les avait inspirés plus d’une fois dans leur vie.

Et de tous les poèmes qu’elle a écrits, c’est toujours à celui-ci que je reviens. Celui qui avait troublé mes 15 ans, celui qui avait inspiré une série de dessins au peintre Jean McEwen, celui que j’ai lu ce soir-là.

Il y a certainement quelqu’un

Il y a certainement quelqu’un
Qui m’a tuée
Puis s’en est allé
Sur la pointe des pieds
Sans rompre sa danse parfaite.

A oublier de me coucher
M’a laissée debout
Toute liée
Sur le chemin
Le cœur dans son coffret ancien
Les prunelles pareilles
À leur plus pure image d’eau

A oublié d’effacer la beauté du monde
Autour de moi
A oublié de fermer mes yeux avides
Et permis leur passion perdue

La lectrice au bouquet

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:58

ledent

Peut-être a-t-elle aimé rêver toute la journée durant, la lectrice au bouquet de Pol Ledent. Comme moi je l’ai fait parce qu’un papillon est entré hier dans mon jardin, un papillon aux couleurs si vives qu’elles pourraient brûler les yeux.

Pourtant, je sais qu’il vaut mieux laisser filer les papillons plutôt que de les voir se poser. Je sais aussi que s’il leur faut absoument se reposer de leur vol, qu’ils ne doivent pas s’attarder sur mon épaule, car c’est là un jeu bien dangereux. Je pourrais vouloir les examiner de plus près.

Oui, elle rêve sûrement au papillon qu’elle a croisé et qui l’a éblouie. Si bien éblouie qu’elle aurait pu en perdre la vue.

Une dernière voltige et le voilà envolé pour de bon. Elle peut retourner à son monde, à ses livres, à ses mots et à ses amis. Paisible. Le danger est passé.

La lectrice du dimanche

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 7:27

ninam

Il y a chez la lectrice de la peintre états-unienne d’origine russe Nina Mikhailenko un peu de ces dimanches où on traîne en pull. Un peu de ces dimanches matins où le café goûte le bonheur. Va-t-elle comme moi des livres à l’écriture, de la chaise au lit, en écoutant la symphonie no.1 de Beethoven ?

Il me plaît de l’imaginer vivant selon mon rythme. Il m’amuse de penser qu’elle a vu comme moi le soleil se lever une heure après son premier bol de café. Et qu’elle regarde le rose délicat du ciel à sa fenêtre. Un peu paresseuse. Rêveuse.

Et qu’elle ne choisira ni la musique ni les mots, mais prendra les deux. Et que la journée coulera en douceur, sans heurt, à la faveur de ce ciel et du bonheur d’être en vie et de pouvoir goûter à tout ça.

Des routes qui mènent à soi

Filed under: Mes histoires belges — Lali @ 1:08

routes_belg

Et je rêve de ces routes de Belgique, en pays d’Ourthe-Amblève. De ces routes zigzags qui nous entraînaient de villages en villages en passant par les sous-bois, tandis que j’écoute « When did you leave heaven » de Lisa Ekdahl, cadeau d’Armando. Et je rêve à cet ailleurs de bonheur que j’espère retrouver dans quelques mois.

Et je rêve à ces routes qui m’ont séduite. Comment sont-elles quand on les emprunte en compagnie de quelqu’un qui pose sur soi des yeux tendres et qui caresse nos cheveux ? Sont-elles encore plus belles ? Plus belles parce qu’on peut les partager et voir dans les yeux de l’autre l’émerveillement ?

Et je rêve à ces routes d’il y a seize mois. Ces routes qui, d’une certaine manière, ne m’ont pas menée seulement de village en village, mais bien vers moi-même. Je ne savais pas à quel point elles allaient changer toute ma vie. Je ne savais pas encore comment après ces routes j’allais m’ouvrir à la douceur de vivre en cessant de me torturer pour des choses qui n’en valent pas la peine. Je ne savais rien de tout cela.

Et ce soir, sur quelques notes de musique tandis qu’il fait nuit, je sais le bonheur de ces routes, je sais le bonheur de ma route. Une route sans itinéraire où je glanerai chaque minute pour l’inscrire à même ma peau et mes prunelles.