Lali

2 novembre 2006

Haarlem, pour des traces d’amitié

Filed under: Ailleurs — Lali @ 20:38

haarlem

Il y a ces villes où j’ai vécu quelques jours ou quelques semaines, ces villages traversés trop vite, ces châteaux à découvrir, ces musées à réinventer, ces places où prendre un café, ces lacs et ces rivières que je n’imagine pas. Il y a trop pour une vie. Parce qu’aux endroits à découvrir, il nous faut ajouter ceux qu’on a envie de revoir, ceux où on vivrait, ceux auxquels on revient.

J’ai vécu près de quinze jours à Haarlem, en 1985. Je dis bien vécu, car il n’y a pas d’autre mot quand on partage le quotidien avec une amie. Si le matin nous partions toutes les deux en bicyclette, elle pour aller au travail, moi pour la gare d’où je sillonnais les Pays-Bas, pour rentrer en fin d’après-midi, à tour de rôle, nous préparions le souper sauf pour pour trois pris ailleurs, un chez son père, un chez sa meilleure amie et un restaurant.

Et le soir, nous écoutions de la musique, ou plutôt nous partagions la musique. Ça ne m’est pas arrivé souvent de partager aussi intimement la musique. Avec Michel, le compositeur, je crois, et avec Annemarieke. Intimement et intensément, devrais-je ajouter. Dans le plus pur des silences, nous laissant gagner par les notes ou par les mots.

Et nous parlions des livres, des voyages, de la vie, de nos grands-pères qui nous avaient marquées l’une et l’autre. Et avec elle, je préparais mes escapades du lendemain. Nous organisions les courses. Et parfois nous partions marcher dans Haarlem, la ville de Frans Hals, celle du film The assault, d’après le roman éponyme de Harry Mulisch qu’elle m’avait offert.

Et j’ai écrit à Haarlem, tellement écrit. Si bien qu’un an après, mon amie Brigitte, la chorégraphe, a eu l’idée folle de faire danser sur mes mots. Poèmes entrecoupés d’extraits de lettres où se mêlaient le français, le néerlandais et l’anglais sur lesquels les danseuses tournaient en tous sens, pantomimes cherchant leurs mots ou leur lieu d’appartenance. Projet ambitieux ou fou ? Peu importe, elles ont dansé sur Haarlem devant des centaines de personnes comme j’ai dansé seule sur les trottoirs de Haarlem.

Et pour toutes ces traces d’amitié, cette ville où j’ai vécu reste gravée en moi. Avec cette intention d’y retourner un jour. Et cette peur au ventre de ne pas la retrouver intacte et fidèle à mon souvenir, une peur insensée et égale à celle de se retrouver des années plus tard devant un homme qu’on a aimé et dont on voudrait voir sur soi le regard d’autrefois ne fut-ce qu’un court instant.