Les cinq moustiquaires
Nous avions 17 ans.
Chantal, Josée, Lucie, Marie-Josée et moi. Je nous ai baptisées les cinq moustiquaires, parce que moustiquaire est un mot féminin, et pas mousquetaire. Et parce que c’est plus drôle, aussi, moins sérieux.
Les années ont passé. Chantal est biologiste, mais je crois bien qu’elle préfère les gens aux souris de ses expériences d’autrefois. Josée est architecte, mais s’est appliquée à bâtir des liens peu nombreux mais indéfectibles plus que des maisons. Lucie est comptable, mais ne compte jamais quand il s’agit des siens, sa famille, comme ses amis. Marie-Josée est psychologue, mais jamais ne tente de nous analyser; partager un moment est bien plus passionnant. Et moi… j’écris. Je ne sais faire que ça.
Les années ont passé. Les fleurs que nous sommes ont poussé chacune à part entière, vives, colorées. Chacune de ces fleurs est précieuse, unique, mais ensemble elles forment un magnifique bouquet.
Nous allons par paires, par trios, par quatuors. La bande des cinq est rarement entière, mais tout ce qui s’est tissé toutes ces années, malgré des absences, des silences, ne s’effacera jamais. Des soupers, des conversations, des cafés, des moments intenses, parce qu’aucune d’entre nous n’est jamais là à moitié.
Nous sommes des privilégiées d’avoir une histoire commune plus longue qu’un quart de siècle. D’avoir ensemble eu 17 ans, pour moi le plus bel âge de la vie, celui que j’ai encore bien souvent.
Et un jour, Alexandre, Guillaume, Frédérique et les deux Camille auront l’âge que nous avions. Nous aurons en plus eu la chance de les voir grandir, d’avoir vu leurs dessins, d’avoir entendu des anecdotes sur eux. Oui, les moustiquaires ont beaucoup de chance. De s’être trouvées, parfois perdues, puis retrouvées.
Si je parle d’elles aujourd’hui, c’est que je suis allée manger avec Josée ce midi, que Chantal va se faire opérer la semaine prochaine et que je vais sûrement téléphoner à Lucie et Marie-Josée. Mes moustiquaires ne font pas partie de mon quotidien, elles font partie de ma vie. Et chaque fois que je retrouve n’importe laquelle des quatre se confirme le vrai sens de l’amitié.
Vivement une soirée où nous serons toutes rassemblées. Dès que Chantal ira bien.
Et je cuisinerai, tiens. J’ai trop envie de les voir autour de ma table.